Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/581

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une séance solennelle nous appelle au théâtre municipal. Le premier alcade me remet un diplôme me conférant le titre d’hôte d’honneur de la capitale. L’intendant (préfet) de la province de Santiago, don Alberto Mackenna de Subercaseaux, m’adresse en français un magnifique discours de bienvenue. Jamais hymne plus enthousiaste ne s’éleva à la gloire de la France victorieuse, immortel champion du Droit et de la Liberté. Dans la salle, tous les mots portaient, soulignés d’applaudissements répétés et unanimes ; c’était bien le sentiment public qu’exprimait l’éloquent orateur auquel j’eus la rude tâche de répondre.

J’ai retrouvé ce sentiment dans toutes les classes de la société. Au club de l’Union, au club des Dames où j’ai eu l’honneur d’être reçu, puis sur le champ de courses, où l’on m’amena devant les tribunes populaires qui acclamaient l’envoyé de la France.

Le 5 septembre, j’ai été admis aux honneurs de la séance par le Sénat, puis par la Chambre des députés. Dans chacune des deux assemblées, le président m’adressa un discours, puis le Président de la Commission des Affaires extérieures parla à son tour. Que ces voix éminemment autorisées aient éloquemment exprimé l’ardente sympathie de leur pays pour le nôtre, qu’elles aient témoigné leur joie de la victoire française, elles ne dépassaient pas les limites de l’extrême courtoisie ; mais elles les dépassaient par instants quand, par exemple, don Pedro Rivas Vicuna nous disait :

« Votre présence, Messieurs de France, évoque en notre mémoire des heures d’angoisse et d’incertitude. Elle nous rappelle les crises profondes de ces instants ou la démocratie résista avec peine aux attaques impressionnantes de l’impérialisme, enorgueilli par la force de ses épées.

« Quel est alors celui d’entre nous qui, craignant d’assister à la ruine de la Liberté, n’a pas senti son âme baignée d’une immense amertume !

« Les femmes élevaient vers le Ciel de secrètes et tendres prières ; les citoyens irréductiblement résolus à lutter pour le bien commun, tous, nous formions des vœux ardents pour la paix, pour une paix de justice qui consacre le libre développement des nationalités et des peuples dans le travail et dans le droit.