avant la fin du mois. Comme je serai contente de vous voir chez vous ! Je vous mènerai Ivan quelque jour ; vous lui parlerez de son voyage en Suisse, ce sera une étude d’enfant à faire, Il vous parlera de M. Périolas et de ses mille bontés en termes qui vous feront plaisir ; vous apprécierez mieux l’homme, passant par la bouche de l’enfant.
J’ai vu M. Pérémé [1] qui m’a parlé longuement de vous et avec un plaisir qui m’a fait du bien. Comme je serai fière quand j’assisterai à la représentation de l’une de vos comédies ! Je me sens déjà émue des applaudissements comme si j’y étais et comme si la pièce émanait de moi ! Hâtez-vous donc de faire mettre une œuvre en scène, afin que j’aie cette joie cet hiver. — Vous ne serez donc jamais dans le vrai quant à cette pauvre vie matérielle qui nous pèse à tous ? Vous voulez, dites-vous, une vie de curé, et une femme avec quatre cent mille francs de dot ! Ignorez-vous donc que, dans le village le plus retiré de France, il n’y a pas de vie de curé avec vingt mille francs de rente ? Ou le luxe ou les soins de la propriété vous envahissent. Souhaitez, cher, une belle fortune et tous ses embarras et tous ses ennuis : ce sont des conditions d’existence pour vous. Si la vie de curé vous était toute faite, il y a en vous un élément qu’on appelle imagination qui vous corroderait à la façon des poisons fameux de l’antiquité ; il faut qu’elle agisse pour ne pas réagir. Que Dieu vous la conserve dans un exercice forcé ! Seulement, que le bonheur vienne l’illuminer de ses rayons irisés ; il est temps, plus que temps. Cherchez-Ia donc, cette femme qui doit vous fixer enfin et donner un but à tant de projets qui se perdent continuellement dans l’espace. Il me semble que c’est chose facile à Paris que de trouver la femme qu’il vous faut ; mettez en campagne tous vos amis du beau monde, car il faut que votre femme en ait les manières. Sans cela, elle ne vous serait pas supportable. Je conçois à merveille le besoin de la vie auprès de vous ; je vous l’avais signalé, ce besoin, il y a bien longtemps ; vous en avez ri, étant plus jeune, et aujourd’hui qu’il vous obsède, il y a moins de chances pour le satisfaire convenablement.
J’ai la famille Nucingen, que je connaissais. J’ai lu la Torpille avec le plus grand plaisir, quoique je ne la comprenne pas
- ↑ Compatriote et ami d’Auguste Borget, qui avait présenté Balzac au directeur du théâtre de la Renaissance, à propos de l’Ecole des ménages.