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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/741

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Dès mon réveil, j’eus le plaisir d’entendre la messe chez les Frères. Plaisir profond, plaisir complet. Je m’intéresse au culte d’Aga Khan, et si j’entendais les chants de Byblos et de Baalbek, il me semblerait que de sombres sorties du tombeau m’apportent en supplément les forces spirituelles de l’antiquité. Mais quand j’écoute la messe chrétienne et française, après des jours de dispersion au milieu d’une barbarie si lointaine, c’est la patrie de mon esprit que je trouve et qui m’offre tous les secours avec toutes les beautés.

Après l’office, les Frères et leurs élèves me firent les honneurs de leur Académie et d’une bibliothèque bien pourvue de livres français. Nous causâmes. Je dis à ces messieurs l’intérêt que j’éprouve pour cette extraordinaire diversité de religions que nous offre la Syrie. Quelques-unes si grossières, comment se maintiennent-elles ?

— Parce que chacune d’elles interdit à ses fidèles de se marier avec des adeptes d’autres croyances.

Et ils me disent ce qu’ils voient chaque jour :

— Nous avons dans notre collège des enfants des religions les plus variées. Ils suivent obligatoirement nos cours de catéchisme, et, s’ils le veulent, nos offices. Quelques-uns sont premiers au catéchisme. Il ne leur vient pas à l’esprit de se convertir. Quand je pense aux inconvénients qui résulteraient d’une conversion pour ces pauvres enfants, je me dis que c’est un effet de la bonté de Dieu qui veut leur épargner ces peines. Certes, notre religion, outre qu’elle nous donne la vérité, met à notre disposition plus de moyens qu’aucune autre pour faire notre salut ; mais chacun est sauvé, quand il observe les lois naturelles et les moyens que lui donne sa religion, si c’est de bonne foi qu’il ne voit pas notre supériorité.

Voilà des paroles mémorables, qui me semblent engendrées directement d’un grand texte que nous tenons de saint Jean-Baptiste de la Salle, le fondateur des Frères : « Le bon maître fera toute sa satisfaction, toute sa joie d’instruire sans relâche, sans distinction, sans aucune acception de personne, tous les enfants, quels qu’ils soient, ignorants, ineptes, dépourvus des biens de nature, riches ou pauvres, bien ou mal disposés, catholiques ou protestants. »

Ce grand homme est une des gloires de notre dix-septième siècle, au même titre que saint Vincent de Paul, qui fonde les