fleuries d’invocations divines. Le cœur humain n’a pas cessé de s’émouvoir devant le déploiement des beautés et des chants du Liban. Le glissement du bateau, l’or, l’azur, l’argent, le parfum des espaces, le désir du ciel, mon imagination enflammée, mon impuissance à saisir l’impalpable et à retenir l’écoulement des heures, le salut perpétuel et multiforme que je donnais à la divinité et à tous les ressorts du monde, tous mes hymnes de gratitude au cours de cette journée m’enrichiront jusqu’à ma mort.
Je ne cessai pas d’errer tout l’après-midi sur le bateau, espérant toujours trouver quelque point d’où j’arrêterais le cours du temps et m’approprierais l’insaisissable. Voici Batroum, les sites renaniens d’Amschit, de Byblos, de Ghazir, les gorges profondes de l’Adonis et du Lycos, et le palais du pontife seigneur du Liban. Voici les saintes occultations de Baal par saint Georges et saint Elie, et d’Astarté, déesse de la Mer, des Ténèbres et de la Mort, qui s’efface derrière la Vierge de clarté. La fontaine de vie jaillit des profondeurs du sol, et jette en pleine lumière le trésor épuré des antiques mystères. Au soir nous arrivons à Beyrouth… Après avoir parcouru les replis obscurs, les vallées desséchées, je viens de revoir la face lumineuse du pays.
MAURICE BARRÈS.