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orifice de forme ovale qui sert d’argus. Dans l’angle à gauche de cette porte se trouve une prise d’eau sous laquelle est placé un bassin émaillé qui s’emploie pour faire la lessive, se laver, nettoyer la vaisselle, etc. Dans l’angle opposé, il y a, suspendue au mur, une petite armoire avec planche étagère dans laquelle sont enfermés un bol et un verre à bière. En dessous et à gauche de cette armoire est aménagée dans le mur une niche ayant une petite porte, le tout en fer, contenant un seau métallique qui est le récipient des eaux sales. Une poignée en fer sort de la muraille un peu plus haut que la niche précitée, elle actionne un timbre et est destinée à l’appel du médecin. Le mur faisant face à la porte contient une fenêtre grillagée dont la partie mobile bascule et ne peut s’ouvrir de plus de vingt centimètres ; si j’ajoute que le parquet est en chêne, que les murailles sont peintes à la colle, qu’il y a des bouches d’air pour ventilation, des tuyaux de chauffage, un bec de gaz, un crucifix, un chapelet, un lit pliant, recouvert d’une planche servant de table, j’aurai décrit l’ensemble de la cellule que j’occupe dans la prison.

Prison… mot dur, mot sonore et triste, qui fait songer à tout ce que la vie a de vil et bas, vous me rappellerez toujours l’immense douleur qui m’a frappé…

Prison… où l’on tombe comme dans un gouffre, où l’on voit toutes les beautés de la vie s’écrouler, où, livré à soi-même, l’âme navrée, on pleure son impuissance, on boit, goutte à goutte, son amertume.

Prison… morne solitude, isolement douloureux… triste usurière de la vie… tu m’as inondé de sueur froide ; les heures y succèdent aux heures, lentes comme des journées, qui s’écoulent incolores et monotones, et rien ne soutient, ne console, n’encourage ; l’angoisse vous meurtrit, vous torture.

Prison… tu es un tombeau vivant qui étouffe et où la liberté expire…

Après avoir exprimé ainsi tout mon mépris, je repliai mon lit et me mis à marcher de long en large comme au hasard ; je marchais, m’arrêtais, marchais encore, l’esprit envahi par un monde de pensées : « Comment ma bien-aimée femme et mes chères enfants auront-elles supporté le choc de cette brusque arrestation ? Arrêteront-ils ma femme ? Quel sera le résultat de l’interrogatoire que l’on fera subir à ceux qui me sont chers ? Mes