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presque immobiles ; sa couleur n’était pas uniforme ; par endroits, elle était plus foncée et formait des nuages aux formes bizarres avec des contours flous qui se dégradaient pour finir par se confondre avec la teinte grise qui les entourait. Au loin, cette teinte s’estompait et devenait plus sombre. Des nuages blancs suspendus beaucoup plus bas voguaient dans l’immensité, pareils à des bateaux qui glissent dans l’onde légère ; ils avançaient rapidement, paraissaient près d’arriver au port. La fumée qui s’échappait d’une cheminée s’élevait et obliquement disparaissait dans l’espace. Un oiseau traversait l’air, ailes déployées, en décrivant une ligne qui s’effaçait au fur et à mesure qu’elle se traçait. La grande nappe grise s’en allait, à son aise s’éclaircissait et devenait blanche k la limite où le ciel l’avait trouée.

Tout à coup, pareils aux rayons lumineux d’un puissant réflecteur électrique, les rayons du soleil jaillirent et lancèrent un pâle et éphémère jet d’or. La trouée s’agrandit et le ciel bleu apparut dans toute sa splendeur. C’est le ciel que le prisonnier contemple avec de grands yeux et qui sème en son cœur la divine espérance, c’est le ciel calme et pur comme l’eau d’un lac que nulle brise n’effleure qui vous inonde d’une douce sérénité, c’est le ciel dans lequel resplendit la paix, où vivent les anges, où réside Dieu. Et là-haut, dans ce ciel bleu, le croissant lunaire apparaît blême et semble contrit de ne pouvoir plus régner en maître devant le soleil qui, brillant et flamboyant, m’enveloppe d’un poudroiement d’or.

Des fleurs sur lesquelles des gouttes d’eau scintillaient comme des facettes de diamant, se balançaient mollement ; sous la poussée d’une brise légère, elles faisaient de jolies taches rouges, pâles et jaunes dans la verdure dont elles émergeaient ; elles exhalaient un parfum sauvage qui embaumait l’air. Certaines avaient déjà vécu leur courte existence et s’étaient dépouillées de leurs plus beaux attraits ; d’autres se fanaient et s’apprêtaient à les suivre dans l’oubli, après avoir brillé dans toute leur splendeur.

J’entends le bruit des camions qui roulent sur les pavés de la rue ; là, pas bien loin, à quelques pas seulement, on trouve l’activité, la joie, la liberté, la vie.

Le voisin L… qui se trouve dans le préau contigu, me lance par-dessus le mur quelques pages de poésie, qui sont admira-