C’est à tort qu’on a appelé ce drame judiciaire l’affaire Cavell, titre que j’ai donné moi-même à l’un de mes ouvrages ; les Allemands l’ont introduit devant la Cour martiale sous la rubrique « Affaire Philippe Baucq et comparses », marquant bien ainsi le rôle capital qu’ils attribuaient à l’architecte Baucq, dans l’organisation de l’association à laquelle étaient affilies miss Edith Cavell, Mlle Thuliez de Lille, le pharmacien Severin et tant d’autres patriotes à qui vont toute notre admiration et toute notre reconnaissance.
L’acte d’accusation dit sommairement que « l’architecte Philippe Baucq et comparses sont inculpés : 1° d’avoir répandu le libelle la Libre Belgique ; 2° d’avoir transmis au front ennemi des nouvelles de famille ; 3° d’avoir fait passer des soldats à l’ennemi. »
C’est en raison de ces trois chefs d’accusation, dont le troisième est de beaucoup le plus grave, puisque, d’après le Code militaire allemand, il relève de la haute trahison, que Baucq et ses compagnons vont être condamnés. En effet, d’après les lois spéciales contre l’espionnage, du 3 juillet 1833 et du 3 juin 1914, articles 89 et 90, complétées par l’article 58 du Code pénal militaire, « quiconque prête assistance avec préméditation à une puissance ennemie ou porte préjudice aux troupes allemandes ou alliées, en consommant l’un des actes répréhensibles désignés dans l’article 90 du Code pénal allemand (paragraphe 3 : s’il conduit à l’ennemi des troupes ou engage des membres de l’armée allemande ou d’une armée alliée à passer à l’ennemi), est puni de la peine de mort pour trahison de guerre (Art. 58). »
À l’origine, l’article 90 frappait uniquement les sujets allemands ; l’article 58 en étend l’application à « quiconque, » c’est-à-dire indifféremment à des Allemands ou à des étrangers. C’est en raison de cette amplification que Philippe Baucq, miss Cavell et leurs camarades ont pu être inculpés du crime de haute trahison. En réalité, dans l’esprit des premiers législateurs, une trahison de ce genre ne pouvait être que l’œuvre de ressortissants allemands, et la peine terrible qu’elle comporte ne
