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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 17.djvu/260

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À ce moment, une petite troupe d’enfants et une femme arrivent, d’un pas très rapide, en pleurant. Les filles et la femme poussent des cris retentissants, les garçons gémissent à sec, avec un visage admirable de gravité. Je m’informe. On me dit : « Leur père, qui était allé travailler à Beylan, y est mort. On l’a enterré là-haut. Ils viennent d’apprendre la nouvelle, et ils s’en vont le pleurer dans un champ d’oliviers. »

Le groupe est mené par le fils, l’héritier, maintenant le chef. La figure de ce très jeune homme, toute pareille à celle de l’Ephèbe dans l’Arc de triomphe, son pas rapide m’émerveillent ; il est tout rayonnant de cette sorte de noblesse que confère une douleur vraie, approuvée par les hautes disciplines humaines. Cet orphelin ne pleurait pas ; il chantait une complainte, sans doute quelque cantilène rituelle.

Quel spectacle ! En vérité, Apollon me fait bon accueil. Il m’a comblé, aujourd’hui. J’essaye d’analyser mon prodigieux plaisir. J’ai vu le culte des fontaines ; j’ai songé à mes vieux maîtres ; les enivrements de la jeunesse et de la gloire m’ont été sensibles au milieu de cette forêt de lauriers ; puis ce fut l’appel de la religion, quand ce vieux prêtre parut ; et la mort par-dessus tout, le regret, l’appel sans écho de ce fils au milieu de la campagne.


LE DINER AU KONAK

Ce soir, la municipalité d’Antioche a la gracieuse idée de nous offrir une petite réception. Ces messieurs m’ont fait voir au bord de la rivière, sous les vieux noyers, le jardin où nous pourrions dîner et passer la soirée. C’est la sorte de poésie, inexprimée et déchirante par excès de beauté, que j’ai appelée toute ma vie, mais je redoute ce qui doit y voltiger de moustiques et de névralgies, et je n’ai pas caché que je préférais un repas entre quatre murs. C’est donc à l’hôtel de ville, au Konak, qu’à mon retour de Daphné, je vais, avec MM. Potton et Contenau, rejoindre nos aimables Turcs.

Nous sommes une dizaine, autour d’une table où se succèdent et s’emmêlent trois, quatre repas. À plusieurs reprises, quand nous avons mangé potage, poisson, viande et pudding, on voit réapparaître potage, poisson, viande et pudding. La conversation est moins abondante que le menu. Nos hôtes ne parlent pas plus français que nous turc. Tout doit passer par