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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 17.djvu/507

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il continua de s’en servir de la même façon. Il s'escrima de nouveau contre les libéraux. Lorsque le rétablissement de la monarchie parut un instant possible, il fut de ceux qui approuvèrent M. le Comte de Chambord de n’avoir pas voulu renoncer au drapeau blanc et il continua jusqu’à sa mort de suivre la même ligne inflexible. Dans ses papiers, on trouva d’assez beaux vers où il demandait qu’on mit sur sa tombe une croix avec cette épitaphe, peut-être un peu orgueilleuse, où il disait, parlant du Christ (je ne suis pas certain de citer exactement) :

Je n’ai pas rougi de lui dans le monde.
Il n’a pas rougi de moi devant Dieu.

Veuillot a-t-il fait, au point de vue catholique, plus de mal que de bien ? Je serais embarrassé de le dire, et j’entends, dans ces Souvenirs, me montrer très sobre de jugements ; mais assurément l’homme avait un grand talent et était digne d’estime.

L’opposition libérale n’avait, durant les premières années de l’Empire, qu’un organe, le Journal des Débats, mais tiède, timide, et il était peu lu du gros public[1]. Les Débats étaient sous la direction d’Édouard Bertin, de la grande famille libérale des Bertin, dont le chef a été immortalisé par un portrait d’Ingres. Je raconterai plus tard, dans quelles circonstances je suis entré en relations directes avec lui. Je dirai seulement dès maintenant que les précautions qu’il fallait prendre pour ne pas exposer le journal aux mesures arbitraires qui en auraient pu provoquer la suspension, ne coûtaient pas à son caractère. Ce qui fit la fortune des Débats, dans un temps où la presse était silencieuse et où l’opposition n’avait qu’un autre organe, — et quel pitoyable organe ! — le Siècle dirigé par Havin, ce fut la collaboration de Prévost-Paradol.

J’ai beaucoup connu Prévost-Paradol, et je n’en puis parler qu’avec sympathie, car il a toujours été très bienveillant pour moi. Peu de destinées ont été aussi diverses que la sienne, car, après avoir débuté brillamment, il a fini tragiquement. Il sortait de l’École normale où il avait été le condisciple de Taine et de Gréard et, après quelques années d’enseignement en province, il avait été nommé professeur de littérature à la Faculté d’Aix où

  1. Le Temps, fondé par Nefftzer et où Scherer a beaucoup écrit, ne parut qu'en 1856.