trésor ambulant arrive. » Cependant il ne suivait pas la règle de l’ordre. Aussi Djelal le fixait du regard, tout en passant, et disait : « Il ne se laisse pas guider ; cet homme est un cavalier isolé qui a sauvé son tapis du tourbillon et a obtenu le salut ; reste à savoir comment le traitera la volonté divine. » Les choses tournèrent bien. Une nuit vers l’aurore, Djelal-eddin entendit un grand tumulte, venu du fond du monde mystérieux. C’était un conflit entre les esprits et les anges. Au bout d’un instant, il dit : « Les anges portent au ciel l’esprit pur du Faqih. »
Il célébrait la précellence de l’amour. C’est, disait-il, l’astrolabe qui découvre les mystères du ciel, le collyre qui rend plus pénétrant l’œil de l’esprit. L’amour rend l’être parfaitement indifférent à toutes les chicanes de la froide raison. Il met dans notre cœur une lumière qui nous fait nous détourner avec dégoût de toute autre lumière. L’homme comprend d’autant mieux les desseins de Dieu qu’il aime davantage. Quoique la pénitence s’élance et s’élève vers Dieu, l’amour la distancera dans l’espace d’un moment. Quelles que soient les résolutions de notre volonté, nous ne deviendrons libres que par un mouvement aussi profond que celui de la mer.
Il redoutait l’encombrement des sciences et faisait de gros efforts pour se dégager de ce voile qui lui cachait la vérité mystique. « Plus la surface du cœur est lisse, plus est aisée la proximité de Dieu. » À un savant théologien qui lui disait : « Cette nuit, j’ai lu le Coran tout entier, » il répondit : « Comment n’en as-tu pas crevé ? » À un jurisconsulte dont l’esprit était voilé par la profonde science, il enseignait : « Fais des efforts pour retenir dans ta mémoire, jusqu’à l’éternité future, une page de la feuille subtile de ton cœur. C’est la science de l’amour qui sera ton soutien après la mort. O jurisconsulte ! pour Dieu, apprends la science de l’amour, car après la mort, où seront le licite, l’interdit, et l’obligatoire ? » Il exprimait continuellement cette pensée : « J’ai purifié mon cœur de toute science, et j’ai trouvé un ami. »
La lumière, l’amour, la joie, voilà ses suprêmes leçons, résumées dans trois strophes dont il recommandait qu’on les apprit par cœur :
« L’esprit a ses origines dans la lumière du trône de Dieu, tandis que la poussière de la terre est le principe du corps humain.