Page:Revue des Romans (1839).djvu/114

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de mentor à son enfant, et pour atteindre ce but honorable, elle ne regrette ni son temps ni son éloquence. — En lisant ce livre, on regrette qu’il ne se compose pas tout entier de satire et de comédie. Sans doute il eût été possible de jeter dans la fable, qui, à vrai dire, n’est pas très-solidement nouée, un intérêt dramatique ; mais alors cet intérêt aurait dû planer sur les principaux acteurs. Il eût dû, au lieu d’être épisodique, pénétrer dans les entrailles même du sujet.

L’ANGLETERRE ET LES ANGLAIS, 1 vol. in-8, 1833. — Le livre de M. Bulwer est sans contredit celui qui peint le mieux l’Angleterre et les Anglais. L’auteur, répandu dans la société, membre du parlement, lié par ses sentiments politiques avec toute l’aristocratie whig, rapproché de la bourgeoisie par sa vie antérieure, ayant eu à souffrir, comme esprit libéral, comme esprit supérieur et comme écrivain, de tous les préjugés de la société anglaise, était dans une excellente situation pour observer les mœurs de ses compatriotes et mettre le doigt sur les plaies de son pays. M. Bulwer l’a fait sans ménagement, avec toute la verve, la finesse, la propriété d’expression, le génie de sarcasme dont il avait déjà fait preuve dans Pelham, dans Falkland et dans Eugène Aram. M. Bulwer pose d’abord en fait que la vanité nationale des Français consiste à appartenir à un si grand pays, tandis que la vanité d’un Anglais se délecte dans la pensée que son pays lui appartient. Le fondement de toutes nos idées comme de toutes nos lois, dit-il, est placé dans le sentiment de la propriété. C’est ma femme que vous ne devez pas insulter, c’est ma maison dans laquelle vous ne devez pas entrer, c’est mon pays dont vous ne devez pas dire de mal, et, par une sorte d’appropriation qui s’élève au-dessus de la terre, c’est mon Dieu dont vous ne devez pas blasphémer. L’Anglais est donc vain de son pays, ajoute M. Bulwer. Pourquoi ? Pour ses édifices publics ? il n’y entre jamais. Pour ses lois ? il les décrie sans cesse. Pour ses écrivains ? il ne les connaît pas. Il est vain de son pays pour une excellente raison : c’est que ce pays le produit, lui ! C’est là le principe sur lequel repose tout le livre de M. Bulwer. C’est par cette excessive concentration d’égoïsme qu’il explique tous les phénomènes de prospérité, de grandeur, de bizarrerie, tous les effets bons et mauvais de l’esprit national, le défaut de sociabilité, en un mot, tout le mouvement social de l’Angleterre. De longues vues, empreintes d’un sens exquis, ont présidé à toutes ces observations, formulées en une série de portraits originaux, où derrière l’homme politique on retrouve toute la verve du romancier. M. Bulwer explique surtout parfaitement la nature de l’influence qu’exerce l’aristocratie anglaise, dont les membres, au lieu de se ternir à l’écart des autres classes et de