Page:Revue des Romans (1839).djvu/175

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de ce que ses amies lui font accepter, et sa délicatesse en souffre infiniment. Que les lecteurs rapprochent, qu’ils pèsent ces circonstances, et qu’ils essayent de deviner la proposition que le docteur Dacy fait à la marquise. Cette proposition la révolte, et elle la rejette bien loin ; mais le docteur, homme très-positif, combat par d’excellents arguments cette résistance ; la marquise cède, et, sous un déguisement, est installée nourrice de lord Cherbury, mais à condition qu’elle aura toujours un voile sur sa figure. On s’attache aux personnes par le bien qu’on leur fait, autant et quelquefois plus que par le bien qu’on reçoit d’elles. Tandis que lord Cherbury n’éprouve encore que de la reconnaissance pour la jeune femme qui lui rend la vie et la santé, celle-ci conçoit pour l’homme qu’elle sauve de la mort un sentiment plus vif et plus tendre : il est vrai qu’elle le voit, tandis que lui il ne la voit pas, ou du moins ne voit pas son visage. Mais ici l’action se complique, et Mme d’Alté va faire un second personnage. Le matin, l’humble nourrice, sous son voile, vient allaiter son cher nourrisson ; et le soir, la belle marquise, à visage découvert, reçoit chez elle lord Cherbury, qui bientôt l’aime autant qu’il est aimé d’elle. Après beaucoup d’incidents et de traverses, dont il est juste de laisser le plaisir à ceux qui liront l’ouvrage, le Voile tombe, et lord Cherbury est enchanté d’épouser à la fois sa nourrice et sa maîtresse. — La situation singulière qui sert de base à tout le roman, est traitée avec cette délicatesse qui appartient aux femmes, et qui est pour elles un sûr moyen de plaire. Ce voile, qui a donné son nom au roman, sauve et embellit tout ; il est à la fois décent et mystérieux ; il s’étend sur l’ouvrage comme sur la figure de l’héroïne.

Nous connaissons encore de Mlle Cuellet : Le Stratagème, ou le Château de Montyvon.

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CUMBERLAND (Richard), né le 19 février 1732, mort le 7 mai 1811.


ARUNDEL, traduit par Ducos, 2 vol. in-12, 1799. — Cumberland écrivit ce roman à la hâte, pendant un séjour de quelques semaines à Brighton, et l’envoya à l’imprimeur feuille par feuille. Le style est facile et clair, les caractères hardiment tracés.

HENRI, traduit par Ducos, 4 vol. in-12, 1799. — Le succès d’Arundel, qui avait coûté si peu de peine à Cumberland, l’engagea à composer le roman de Henri, dont il mit deux ans à corriger et à polir le style. Peut-être, après tout, ce roman n’a-t-il pas sur Arundel la supériorité à laquelle l’auteur aspirait ; il serait injuste toutefois de refuser à Henri le mérite d’être un roman excellent. On y admire de belles descriptions, et des détails curieux sur la vie des classes inférieures en Angleterre ; les paysans de