Page:Revue des Romans (1839).djvu/187

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les camps, où la moindre circonstance peut trahir son secret, attache le lecteur, non moins que la vérité du caractère des personnages qui figurent dans le roman ; tout y est si naturel, que l’on est souvent tenté de croire que c’est une histoire réelle dans toutes ses parties. — Il est peu d’ouvrages de ce genre dont on puisse aussi légitimement recommander la lecture, tant celui-ci est écrit avec grâce et bon ton.

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DESPREZ (Ernest).


UN ENFANT, 3 vol. in-8, 1833. — Sous ce simple titre, l’auteur nous raconte une des plus touchantes histoires d’amour maternel. Louise, pauvre jeune fille élevée à la maison royale de Saint-Denis, quitte son riche pensionnat pour rentrer dans une pauvre maison de la rue Bourbon-Villeneuve, où elle ne tarde pas d’être remarquée par Gustave, jeune et joyeux oisif du café de Paris ; la mère de Louise dispute à l’étranger tant qu’elle peut le cœur de sa fille ; mais à la fin l’étranger l’emporte, la mère succombe. Louise appartient à Gustave, qui torture à plaisir le cœur de cette pauvre fille abandonnée à elle-même ; il l’aime aujourd’hui, il ne l’aime plus le lendemain, il l’aimera un peu le jour suivant ; trop heureuse encore, la triste Louise, que Gustave patiente jusqu’à ce que la pauvre enfant soit mère à son tour ! Alors, dans l’esprit du jeune homme la jeune femme est tout à fait perdue ; ce n’est plus elle, il ne la connaît plus, il n’en veut plus ; il a eu d’elle tout ce qu’il voulait : un enfant, une petite fille ; Gustave fuit en Italie avec son enfant. Que devient Louise ? elle tombe du haut de son égarement dans ce vice de deuxième degré ; elle vit avec des femmes de plaisir, avec des jeunes gens de plaisir, au milieu des plaisirs ; après quoi arrive la misère stupide, la misère en vices habiles. Il y a toutefois un moment dans la vie de cette femme perdue où tout à coup, sans transition, elle s’élève à toute la hauteur de la vertu. Ce moment, très-dramatique et très-inattendu, est celui où Louise, qui croit son enfant mort, le retrouve tout à coup, frais, joli, paré et folâtre dans le jardin des Tuileries ; la mère presse l’enfant contre son cœur à perdre haleine ; l’enfant a peur de sa mère. Gustave, voyant son enfant découvert, l’enlève une seconde fois. Mais Louise suit pas à pas les traces de sa fille, bien loin, jusqu’en Flandre, à pied, dans la poudre du chemin, sous le soleil qui la brûle ; elle arrive, voit sa fille qui joue dans la cour du château, elle lui tend les bras ; l’enfant s’enfuit. Que de peine elle se donne pour apprivoiser ce timide enfant, pour en obtenir un sourire ; les tourments de cette mère sont affreux. Mais quand enfin la petite fille lui a dit : Je t’aime, elle oublie tous ses tourments.