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ALCAFORADA

Ferriol. La jeune Grecque, comme on l’appelait, était l’idole de cette société. Le régent la convoita ; et, malgré l’officieuse entremise de Mme  de Ferriol, il échoua contre la vertu de Mlle  d’Aïssé ; car c’était d’une enfant que M. de Ferriol avait abusé, et il n’avait en rien flétri la délicatesse et la virginité de ce tendre cœur. Le chevalier d’Aydie fut l’écueil contre lequel ce cœur se brisa ; il était chevalier de Malte, agréable et bien fait, avait eu des succès à la cour, et la duchesse de Berri l’avait distingué et honoré d’un goût de princesse. Il approcha de Mlle  d’Aïssé, et s’enflamma pour elle d’une passion qui désormais fut son unique objet et l’occupation du reste de sa vie. Elle en fut touchée, et dans son scrupule elle eut l’idée de fuir ; mais, ne l’ayant pu, elle céda. Le chevalier voulait se faire relever de ses vœux de chevalier de Malte et l’épouser ; elle s’y opposa avec constance, par égard pour la gloire et la considération de son amant ; elle eut de lui une fille, dont elle put accoucher secrètement. Ces événements étaient déjà accomplis lorsque Mme  de Calandrini, de Genève, vint à Paris et s’y lia avec Mlle  d’Aïssé, lui donna de bons conseils, et lui fit promettre de lui écrire souvent : ce sont ces lettres précieuses que nous possédons. Nulle part la société du temps n’est mieux peinte ; nulle part une âme qui soumet l’amour à la religion n’exhale des soupirs plus épurés, des parfums plus incorruptibles. Cependant la santé de Mlle  d’Aïssé s’altère, sa poitrine est en proie à une phtisie mortelle ; elle arrive avec calme à ses derniers moments. Ce qui ne touche pas moins que les sentiments de piété tendre dont elle présente l’édifiant modèle, c’est l’inconsolable douleur du chevalier d’Aydie ; il fait pitié à tout le monde, et on n’est occupé qu’à le rassurer ; il croit qu’à force de libéralités il rachètera la vie de son unique amie, et il donne à toute la maison : « il donne à l’un de quoi faire apprendre un métier à son enfant, à l’autre pour avoir des palatines et des rubans, à tout ce qui se rencontre et se présente devant lui : cela vise quasi à la folie ! » Sublime folie, en effet, puisqu’elle dura, et que l’existence entière du chevalier fut consacrée au souvenir de la défunte et à l’établissement de l’enfant qu’il avait eu d’elle !

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ALCAFORADA (Marianne), religieuse portugaise.


LETTRES PORTUGAISES, traduites en français, par Guilleragues, ambassadeur, 1669. Nouvelle édition in-12 conforme à la première, avec une notice biographique sur ces Lettres, et un texte portugais, par don J. Mar. Souza, in-12, 1824. M. de Souza n’a admis dans cette édition, comme dans la première, que cinq lettres, qui sont les seules véritables ; sept autres lettres, qu’on trouve dans les éditions ordinaires, sont absolument supposées, ainsi que les prétendues réponses