Page:Revue des Romans (1839).djvu/198

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de ses amis et de ses ennemis, tel est le caractère du héros, qui se trouve placé entre deux femmes séduisantes, Loyse de Matariaux et Lalagée de Serisy, qu’il aime inégalement et à des titres différents. Loyse de Matariaux, fille d’un pair de France, élevée dans la politique, d’une dévotion étroite et minutieuse, mais qui n’a qu’une piété médiocre, est une très-jolie demoiselle, qui venait souvent interrompre le jeune homme, occupé de Dieu, pour lui parler d’amour. Lalagée, douée de mille grâces et de mille qualités, vertueuse, chaste, mystique et rêvant Dieu, dont on ne lui avait jamais appris le nom, avait pour père un régicide, un banni, un patriote dur et austère, réfugié à Ville-d’Avray. Laquelle de ces deux femmes deviendra l’épouse d’Emmanuel ? Dans le commencement, les chances sont pour Loyse, qui a été la première aimée ; mais entre Loyse et lui le mariage est impossible. M. Matariaux, pair de France, aimerait encore mieux un roturier riche qu’un homme de naissance sans fortune. Emmanuel est donc éconduit : on marie les dix-sept ans de Loyse, ses beaux yeux noirs, sa gracieuse figure, avec les cinquante ans et la goutte d’un marquis de Coislier. Après ce mariage, Emmanuel et Loyse continuent à s’aimer, mais les sermons d’un certain abbé Jaumers, et surtout un terrible chapitre du manuscrit vert, intitulé : de l’adultère, déterminent Emmanuel à rompre avec la marquise. Loyse ne tarde pas à devenir veuve et maîtresse d’une fortune immense qu’elle offre à Emmanuel de partager. Celui-ci, au lieu d’accepter, heurta la jolie veuve, s’en fit haïr, et épousa Lalagée. Loyse, outrée de jalousie, s’acharne à la perte de son ancien amant, qui perd un emploi obtenu jadis par le crédit de M. de Coislier, et se voit bientôt réduit à la misère ; son mariage ne fut que douleur et désespoir ; il perdit son premier enfant, puis sa femme, et vit son honneur compromis par un procès qui l’exposa, pendant quelque temps, à l’horrible prévention d’avoir extorqué un débris de patrimoine à la sœur de sa femme. Un jour qu’il était assis sur une borne, en proie au délire du désespoir, il se sent frappé légèrement sur l’épaule ; c’était l’abbé Jaumers qui, le voyant dans cet état, lui récite un passage touchant du manuscrit vert, où il est question de la patience qu’on doit opposer aux persécutions des hommes. Ce passage mit du baume sur ses blessures ; il se promit bien d’être patient, et le roman l’a laissé dans ces bonnes dispositions.

RÉSIGNÉE, 2 vol. in-8, 1832. — M. Gustave Drouineau a entrepris de réformer le christianisme, d’établir un néochristianisme, et de l’introduire sous la forme du roman ; Résignée est donc, suivant M. Drouineau, un roman néochrétien. — Trois jeunes filles