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ALHOY.

s’abuser encore ; elle espère du moins parvenir à régler sa passion, à oublier l’ingrat qui l’oublie, à cicatriser les blessures d’une âme trop tendre et navrée de toutes parts. Inutiles projets, aussitôt abandonnés que conçus ! Elle retombe à l’instant dans toute sa faiblesse ; elle s’irrite, elle se révolte contre elle-même ; mais sa colère devient par degrés gémissante, et ses efforts pénibles et vains ne servent qu’à montrer la violence d’un feu que rien ne peut éteindre. Lors même qu’elle a acquis la preuve de l’inconstance de son amant, elle s’efforce de n’en rien croire ; elle en repousse l’affreuse idée. Mais quand enfin cet amant lui-même avoue son crime, quand d’une voie indifférente il ose lui proposer l’hommage d’une offensante amitié, quand elle voit pour jamais tant de confiance trahie, tant d’amour payé d’ingratitude, et qu’il ne lui reste plus même dans son malheur le pouvoir de le dissimuler encore, alors, tout entière à son désespoir, elle voit sa santé, sa raison même altérées ; et, la mort dans le cœur, elle adresse pour la dernière fois à l’ingrat qui l’a trahie, des reproches terribles et trop mérités. — Nous ne savons si beaucoup de lecteurs partageront l’émotion profonde que nous a causée la lecture de ces lettres, mais nous osons assurer ceux qui connurent l’amour, l’amour brûlant, passionné, ses révolutions, son trouble, ses ravages, qu’ils trouveront dans ce recueil la douce et naïve peinture de ce qu’ils ont éprouvé et senti.

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ALHOY (Maurice).


SOUS LE FROC, 2 vol. in-8, 1836. — Le héros de ce roman, Morand, est un notaire libertin et fort riche, qui, désespérant de séduire Mlle Anna de Mérigny, dont il est épris, parvient à ruiner son père de fond en comble. Quand celui-ci, déshonoré par une faillite, s’est brûlé la cervelle, Morand, en qualité d’ami de la maison, retire chez lui la jeune orpheline, qu’il conduit à Paris pour lui procurer des distractions. Anna fait la connaissance, dans cette ville, d’un jeune homme nommé Stéphane, qui en devient amoureux, et qu’elle paye du plus tendre retour ; mais Stéphane croit découvrir que sa bien-aimée est entretenue par Morand. Le désespoir dans l’âme, il s’éloigne d’elle. Le lendemain, une rapide chaise de poste entraînait vers Lyon deux jeunes voyageurs d’humeur bien différente : l’un, Stéphane, triste, mélancolique, blessé au cœur, et traînant la chaîne rompue d’un amour malheureux ; l’autre, Courbin, garçon vif, jovial, sans souci, d’une gaieté expansive et bruyante. En passant à Joigny, Stéphane, jusqu’alors peu communicatif, apprend à son ami que celle qu’il aime, son Anna, est de Joigny. Cette confidence est suivie du récit complet des malheurs d’Anna et de l’amour de Stéphane. À Châlons, les deux voyageurs