Page:Revue des Romans (1839).djvu/226

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Edgeworth, l’Ennui est peut-être le meilleur et le plus amusant : il est aussi varié et plus riche en caractères, en incidents et en réflexions qu’aucune narration anglaise que nous connaissions ; les caractères irlandais sont tracés avec une vivacité, une précision, une délicatesse, qui nous font douter qu’on puisse leur rien comparer en ce genre. » C’est surtout par la peinture de personnages singuliers et bizarres, ou de caractères nobles et aimables, que se distingue ce roman. Il y a peu d’événements, du moins dans les deux premiers volumes ; mais ce qui vaut mieux que des événements romanesques, on y rencontre beaucoup de tableaux de société vrais et naturels, d’observations d’une grande finesse, de réflexions ingénieuses et spirituelles. Le héros du roman, de tous les mortels le plus ennuyé, n’est cependant jamais ennuyeux ; il se fait même aimer, ce qui est bien rare de la part de ceux qui sont attaqués de cette triste maladie de l’ennui ; mais il en peint si naïvement tous les effets, il démêle si délicatement tous les ressorts qui le font agir, lorsqu’il agit, il raconte avec tant de modestie ses fautes, ses erreurs, ses faiblesses, et même ses belles actions, qu’on est convaincu qu’il avait reçu de la nature le plus noble caractère et les plus heureuses dispositions, et que ses défauts lui viennent des vices de son éducation, pendant laquelle, déjà maître d’une immense fortune, tous ses désirs sont prévenus, toutes ses passions flattées : de là le dégoût et la satiété de toutes choses, l’ennui enfin ; et l’ennui porté à un tel excès, que dès les premières pages du roman le héros est bien résolu à finir sa triste existence par un coup de pistolet. Il choisit pour cette belle expédition le jour même de son anniversaire ; heureusement pour lui un cruel accident le tue presque, ce qui l’empêche de se tuer tout à fait. Il vit donc, s’ennuie toujours, et bâille continuellement. Dans le troisième volume il y a plus d’événements, et surtout d’événements extraordinaires. Le comte de Glenthorn n’est point le comte de Glenthorn ; c’est un enfant changé en nourrice : le véritable comte est un forgeron couvert de charbon et de fumée. De là résultent des situations dramatiques, des réflexions philosophiques sur les compensations humaines dans les divers états, etc., etc. L’ex-comte de Glenthorn, maître de garder un secret qui n’est connu que de lui seul, restitue la fortune au véritable propriétaire, et se résout courageusement à devoir son existence à son travail. L’activité que lui inspire la nécessité, ses lumières naturelles, les amis que lui a procurés la noblesse de sa conduite, le placent bientôt à un rang honorable dans le barreau. Un amour véritable, qui est venu l’animer de ses craintes et de ses espérances, contribue à son bonheur et à sa fortune. Enfin, les excès du nouveau propriétaire de Glenthorn, en abrégeant ses jours, font retomber