Page:Revue des Romans (1839).djvu/280

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sa belle-sœur, des avantages de sa position. Rien n’est plus maladroit à une jolie femme que de rapprocher d’elle une autre jolie femme : Mme de Nangis en fit la triste expérience ; jeune, jolie, spirituelle, pleine de grâce et de talent, elle voit bientôt ses attraits éclipsés par ceux de Valentine, et bientôt elle ne tarde pas à redouter les suites de l’impression que cette dangereuse beauté fait sur le cœur du chevalier Démerange, auquel Mme de Nangis prend le plus vif intérêt. Admis dans la société de Valentine, le chevalier en devint en effet éperdument amoureux, mais Valentine ne soupçonnait même pas sa passion ; toutes ses pensées se reportaient sur un bel inconnu qui l’avait sauvée d’un grand danger, un soir où elle faillit être écrasée en sortant de l’Opéra. Valentine brûlait de connaître son libérateur, et commençait à craindre que toutes les perquisitions qu’elle avait faites ne fussent inutiles, lorsqu’on lui apprit que son libérateur se nommait Anatole ; mais on ne voulut rien dire de plus, et on lui déclara même que sa curiosité affligeait ce jeune homme, et qu’un obstacle invincible l’empêchait de se faire connaître. La délicatesse prescrivait à Valentine de cesser toute enquête ; mais quel était donc ce secret ? voilà ce qu’elle se demandait d’autant plus souvent qu’elle avait la certitude d’être aimée de lui. Il ne venait point chez elle, mais il la suivait partout ; elle le rencontrait à la promenade, au spectacle, et toujours il se plaçait de manière à prouver qu’il n’était là que pour elle. Tout ce que le profond incognito dans lequel il s’enveloppait ne lui défendait pas, il le mettait en usage pour lui prouver qu’il était sans cesse occupé d’elle. Billets tendres, surprises agréables, cadeaux ingénieux, Anatole ne négligeait rien ; tous ces soins étaient vivement sentis, jamais deux amants ne s’étaient mieux entendus sans s’être parlé ; il y avait même entre eux jusqu’à des brouilleries et des raccommodements. L’auteur a fait, dans cette partie de l’ouvrage, un véritable tour de force en disposant les incidents de manière à ce qu’on ne se fatigue point de la monotonie d’une telle situation. Cependant l’orage grondait sur la tête de la sensible Valentine ; l’amour du chevalier Démerange n’avait fait qu’augmenter, et la douleur qu’en ressentit Mme de Nangis troubla tellement sa raison, qu’elle se permit de lâches calomnies sur le compte de sa belle-sœur. Valentine, forcée de quitter le monde pendant quelque temps, n’y reparaît que pour apprendre, au milieu d’un cercle de cinquante personnes, le secret d’Anatole. Cette fatale découverte la touche si douloureusement, qu’elle tombe anéantie et comme frappée de la foudre. Peut-être la connaissance de ce terrible secret eût-il refroidi une femme moins tendre, moins courageuse et moins raisonnable ; mais l’amour de Valentine était assez fort pour résister à tout ; elle épousa l’inconnu. — Quel