Page:Revue des Romans (1839).djvu/312

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années était parvenu à dérober son épouse à tous les regards, s’empresse de la ramener dans son château, qu’il lui fait promettre de ne pas quitter, même quand il l’en presserait par lettres, à moins qu’il ne lui envoie un anneau pareil à celui qu’il lui laisse. À son retour à Paris, le comte, pressé par le roi et par toute la cour, écrit, mais vainement, à Françoise de venir le rejoindre, jusqu’au jour où le confident du roi parvient à percer le mystère de l’anneau ; un anneau semblable est envoyé à la comtesse, et la comtesse arrive. Bientôt après, le roi profite de l’absence du comte pour obtenir les faveurs de la comtesse, qui devint maîtresse déclarée et parcourut la France en souveraine avec son royal amant. Cependant François Ier est appelé aux champs de l’honneur pour aller combattre les troupes de Charles-Quint. Le comte de Châteaubriand, qui ne respirait que la vengeance, attire sa femme dans son château, poignarde sa fille sous ses yeux, et annonce à la comtesse qu’elle ait à se préparer à la mort. L’infortunée demande un prêtre ; on le lui amène suivi d’un chirurgien, qui ouvre les veines à la malheureuse Françoise et la laisse expirer dans les bras du ministre de Dieu. — Ce roman est assez bien conduit ; mais les caractères laissent beaucoup à désirer. Celui de Châteaubriand est atroce, et sa frénésie n’inspire pas un moment la pitié ; la comtesse n’a point de caractère, ou du moins il est à peine indiqué, et les traits en sont si peu d’accord, qu’il est impossible de s’identifier à son sort. Quant à François Ier, sa séduisante galanterie, son esprit chevaleresque, son aimable entraînement pour les femmes, cette grâce qui couvrait ses faiblesses, rien de tout cela n’est retracé.

MARIE DE CLÈVES, PRINCESSE DE CONDÉ, 3 vol. in-12, 1823. — On a raconté de mille manières l’origine de la passion extraordinaire que Marie de Clèves, princesse de Condé, inspira au duc d’Anjou, depuis Henri III. Selon l’usage des temps de crédulité où vécurent ces deux personnes, on crut que la princesse avait employé quelque charme pour enflammer Henri. Sainte-Foix, dans ses Essais historiques, donne à cette passion une cause plus naturelle, mais qui n’en est pas moins étrange. Il rapporte que, dans les fêtes qui furent données au Louvre à l’occasion du mariage de Marguerite de Valois avec le roi de Navarre, se trouvait la jeune Marie de Clèves, alors âgée des seize ans. Cette jeune personne, se sentant un peu indisposée de la chaleur du bal, passa dans un arrière-cabinet où les femmes de la reine mère l’engagèrent à changer de linge : elle y consentit. Il n’y avait qu’un moment qu’elle était sortie de ce cabinet, lorsque le duc d’Anjou, qui avait beaucoup dansé, y entra pour rajuster sa chevelure, et s’essuya