Page:Revue des Romans (1839).djvu/314

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dicte son testament au notaire Maurice et donne tous ses biens à sa fille adoptive, à la condition qu’elle n’épousera jamais un noble. Mais l’amour n’a pas d’opinion. Déjà l’orpheline a donné en secret son cœur à une noble vendéen réfugié à Chantilly, à Édouard Calvincourt, condamné à mort pour crime de guerre civile et caché dans la maison du notaire. Édouard séduit la fille adoptive de Clavier et l’épouse de Maurice. Le père et le mari apprennent bientôt leur double honte ; le républicain provoque Édouard ; mais au moment du combat les gendarmes viennent enlever Clavier et son adversaire. Le vieux républicain trouve toutefois le moyen de dérober à l’échafaud le condamné vendéen, qui va se faire tuer au cloître Saint-Méry. Après la mort de l’amant viennent celles du père et de la jeune fille. Le notaire se ruine, mais son beau-frère s’enrichit, comme Kessner, et finit par rendre fortune, étude et femme au résigné Maurice, qui est encore époux et notaire à Chantilly. — Avec une autre ravissante figure de femme honnête, tels sont tous les principaux personnages de l’œuvre de M. Gozlan, qu’il faut lire en entier pour savoir combien il a mis d’art dans son consciencieux travail, où l’on remarque principalement un chaleureux tableau de la révolution française ; de poétiques élégies en l’honneur de la vieille société ; les luttes dramatiques de l’esprit républicain et de l’amour paternel dans le même homme, de la soumission filiale et de la rébellion d’amour dans la même vierge ; ouvrage qu’il faut lire surtout pour connaître, après Robert Macaire, tout le brigandage policé de certains agents d’affaires, et, même après Hermione, toute la sauvage jalousie d’un cœur de femme.

LES MÉANDRES, Romans et Nouvelles, 2 vol. in-8, 1837. — Les Méandres se composent de dix-sept nouvelles ou fragments, parmi lesquels nous distingueront les trois plus importants : une Visite à Bernardin de Saint-Pierre, le Traité de Madrid, et Roberto Corsini. — Dans une Visite à Bernardin de Saint-Pierre, l’auteur nous raconte une histoire arrivée à Bernardin vers les derniers jours de la république ; c’est une simple conversation entre l’auteur des Harmonies de la nature et le général Bonaparte. On ne peut rien trouver de plus simple que ce sujet, et cependant rien de plus intéressant. — Le Traité de Madrid met en présence François Ier et Charles-Quint, dont les caractères sont admirablement dessinés ; l’esprit aventureux, chevaleresque de François Ier, ressort parfaitement à côté de la nature ombrageuse et froidement ambitieuse du roi d’Espagne. — Roberto Corsini est un joueur effréné qui, après avoir perdu des sommes énormes, joue jusqu’à sa maîtresse, qu’il perd et qu’il livre au seigneur Doria, son adversaire, auquel il demande une