Page:Revue des Romans (1839).djvu/321

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du divorce, à une époque où il était permis de divorcer. Les premiers volumes ne contiennent que le récit des sottises que font, de gaieté de cœur, les maris, les femmes, les amis, les amies, les pères et mères, etc., dont la conduite, le but, les vertus et les vices sont également inconcevables. De l’étourderie des uns, de la corruption des autres, résulte un divorce, suivi bientôt après d’une catastrophe épouvantable. Ce livre n’offre pas une lecture plus utile, ni plus morale que tout autre roman, et n’a ni l’avantage de plaire ni celui d’intéresser. Ce n’est pas cependant qu’on n’y trouve tout ce qu’il faut pour motiver et conduire une action romanesque : il y a une jeune femme sans prudence, une amie profondément perverse, un roué, un mari qui adore et ennuie sa femme, des scènes de tendresse, des rendez-vous donnés, des enlèvements, la révolution au travers de l’action, un ou deux duels, une femme et un enfant de noyés, et deux autres qui perdent la raison. C’en était bien assez, sans doute, pour produire beaucoup d’effet ; eh bien, malgré ces puissants secours, il y a un volume entièrement vide d’action ; et ce qui est pis encore, il n’y a pas un seul acteur qui inspire le moindre intérêt.

LA DUCHESSE DE KINGSTON, ou Mémoires d’une Anglaise célèbre, 4 vol. in-12, 1813. — Ceux qui ont connu la duchesse de Kingston, conviennent que, pour la bizarrerie et l’extravagance, elle aurait pu défier toutes les héroïnes de roman passées, présentes et futures. On se rappelle encore que cette belle Anglaise disait d’elle-même : « Je me mépriserais si je pouvais être deux heures de suite dans les mêmes dispositions. » Et puis qu’on vienne dire que les Françaises seules sont capricieuses ! Il n’est pas étonnant qu’avec un tel caractère, une grande beauté, l’esprit le plus brillant, un nom illustre, une fortune immense, le dédain le mieux prononcé pour toutes les bienséances et les usages reçus, la duchesse de Kingston ait fait beaucoup de bruit. Toutes les cours de l’Europe ont été témoins de son luxe et de ses folies. Sans doute quelques détails sur ses aventures piqueront la curiosité. — Miss Élisabeth Chudleig, née en 1720, avait à peu près vingt-deux ans lorsqu’elle fut admise au nombre des filles d’honneur de la princesse de Galles. Sa beauté et son esprit firent la plus grande sensation à la cour. Il serait assez difficile de la suivre dans ce brillant tourbillon, et de donner la liste exacte de ses conquêtes. L’ambition, au défaut de l’amour, la détermina à donner sa main au fils unique du comte de Bristol, alors sir Hervey. Cette union fut secrète, et la jeune miss profita d’un congé que lui donna la princesse pour se rendre à Clamsford, l’un des châteaux de sir Hervey. Là, un vieux chapelain leur donna la bénédiction nuptiale. Si l’on en croit le nouvel historien de la duchesse de Kingston,