Page:Revue des Romans (1839).djvu/431

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avec cette princesse, in-12. Hollande, Elzevier, 1678. — « La Princesse de Clèves, dit Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV, fut le premier roman où l’on vit les mœurs des honnêtes gens et des aventures naturelles, décrites avec grâce. Avant Mme de la Fayette, on écrivait d’un style ampoulé des choses peu vraisemblables. » Cette autre production de Mme  de la Fayette est encore plus aimable et plus touchante que Zaïde. Jamais l’amour, combattu par le devoir, n’a été peint avec plus de délicatesse : il n’a été donné qu’à une autre femme de peindre, un siècle après, avec un succès égal, l’amour luttant contre les obstacles et la vertu : le Comte de Comminges de Mme  de Tencin peut être regardé comme le pendant de la princesse de Clèves. — Mlle  de Chartres est présentée à la cour de Henri II. Ses attraits lui attirent les regards et bientôt les attentions du chevalier de Guise et du prince de Clèves. Flattée de la recherche du chevalier, elle l’aurait vraisemblablement épousé, sans l’empêchement que mit à ce mariage le cardinal de Lorraine. Le prince de Clèves lui offrit sa main ; voyant en lui un gentilhomme de haute naissance, bien venu du roi, estimé à la cour, elle répondit à ses avances et l’épousa. M. de Nemours fait la rencontre de Mme  de Clèves dans un bal, et s’éprend violemment de ses charmes et de ses qualités. Ici commence la lutte du devoir contre l’amour. Frappée de la bonne mine du duc de Nemours, la princesse ne résiste pas à l’envie de l’aimer avec passion. Toutefois, elle dissimule sa flamme, et plus le duc de Nemours la presse et l’assiége, plus elle lui témoigne de froideur et d’indifférence. M. de Clèves a soupçonné et bientôt deviné l’amour de sa femme. Dévoré de jalousie et de mordantes inquiétudes, il succombe au mal qui le ronge. Guise va oublier sous les remparts de Rhodes les dédains de Mme  de Clèves. Le champ reste donc libre à l’amour du duc de Nemours ; mais le devoir l’emporte dans le cœur de son amante ; elle le fuit, et va chercher dans la solitude d’un cloître un refuge contre sa faiblesse. — Le fond de la Princesse de Clèves est historique, et tient au règne de Henri II ; mais on ne connaît que là un M. de Clèves qui épouse une demoiselle de Chartres, et le portrait que l’auteur trace du grand prieur de France n’est plus celui du duc de Nemours, tel qu’il nous a été conservé par Brantôme. Dans ce roman, Mme  de la Fayette a donné à ses personnages les caractères qui convenaient à ses desseins, et son ouvrage est devenu un chef-d’œuvre de sentiment. Les aventures extraordinaires, les fictions trop recherchées en sont bannies ; les mœurs y sont douces et simples, les mouvements des passions bien décrits, parce que l’auteur les avait bien observées. Fontenelle nous apprend qu’il avait lu quatre fois cet ouvrage, et que c’est le seul écrit de ce genre qu’il ait jamais été tenté