Page:Revue des Romans (1839).djvu/600

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une prolixité capricieuse, mais sincère. Le noble voyageur, à défaut de savoir et de réflexion, possède au moins un mérite incontestable, la modestie et la bonne foi ; malgré la complaisance avec laquelle il raconte jusqu’à ses propres bons mots, il ne se fait guère illusion sur la profondeur de ses idées ou la portée de son esprit ; il recueille avidement, avec une enfantine curiosité, les anecdotes les plus diverses, et les expédie à sa chère Julie, telles à peu près qu’il les a reçues, sans chercher à les embellir par les artifices du style et de l’imagination. En résumé, les lettres du prince Muskau offrent une lecture amusante et variée, assez réellement instructive ; non pas qu’on y rencontre une seule discussion sérieuse, c’est partout et à tout propos une parole familière, paresseuse, vagabonde, amoureuse de ses aises, comme l’esprit de l’auteur, allant où il lui plaît d’aller, se reposant à sa guise, se détournant de sa route au moindre caprice.

Le récit du voyage du prince Puckler de Muskau parut en 1830, sans aucun nom d’auteur et sous le titre de Lettres d’un mort. Ce livre produisit en Allemagne une assez grande sensation. Toute la critique entra en émoi à la lecture d’une œuvre empreinte d’un cachet original, et le mystère dont elle était entourée servit encore à augmenter le succès. Goëthe lui-même accorde aux Lettres d’un mort une mention flatteuse, et M. de Varnhagen, l’un des écrivains actuels les plus distingués de l’Allemagne, les loue très-spirituellement. Le premier livre ne renfermait que le voyage du prince en Angleterre. Plus tard il y joignit un voyage en Irlande et en Italie, puis un voyage en France, dans lequel il se montra, contre son habitude, fort indulgent et fort louangeur. Il publia encore sous le titre de Tuti fruti un recueil de pensées détachées, de tableaux de voyage et de nouvelles, où l’on trouve des contes qui rappellent souvent l’esprit de Tieck, l’imagination d’Hoffmann, et des pages pleines de finesse et de cette gaieté satirique que les Anglais appellent humour. Maintenant le prince a entrepris un voyage en Afrique et en Amérique, qui nous promet des volumes dignes d’être mis à côté de ceux qu’il a écrits sur notre vieille Europe.

On a encore du prince Puckler-Muskau : De tout un peu, 4 vol. in-8, 1834. — Chroniques, lettres et journal de voyage, 3 vol. in-8, 1837.

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QUATREMÈRE D’ISJONVAL (Mme  S.-H.).


*ELMA, ou le Retour à la vertu. — L’auteur semble avoir pris à tâche de découvrir au lecteur les secrets du beau sexe, car on ne les lui cache pas dans le roman d’Elma, et là, les faits inspirent d’autant plus de confiance que c’est une femme qui les révèle en