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avec une grande vérité, et peuvent être considérés comme un groupe de portraits historiques de cette époque. Les caractères du père et de la mère, le vieux Andrews et sa femme, sont, comme celui de Paméla, tracés parfaitement d’une couleur vraie : l’entrevue d’Andrews avec son seigneur, quand il s’informe de ce qu’est devenue Paméla, aurait immortalisé Richardson, n’eût-il écrit que ce passage.

Le succès de Paméla engagea quelque pauvre imitateur à continuer son histoire, et l’on publia Paméla dans le grand monde. Cette misérable production provoqua de la part de Richardson un ouvrage semblable, dans lequel il représente le mari de Paméla renonçant à une intrigue criminelle, et ramené par la patience avec laquelle sa vertueuse épouse supporte ses chagrins. Cette continuation eut le sort de toutes les continuations, et n’a jamais été considérée que comme un accessoire inutile à un roman aussi complet que la première partie de Paméla.

LETTRES ANGLAISES, ou Histoire de Clarisse Harlowe, trad. par l’abbé Prévost, 4 vol. in-12, 1751 ; les mêmes, nouv. édit., 13 vol. in-12, 1766, 1777. — Clarisse Harlowe, trad. par Letourneur sur l’édit. originale, 7 vol. in-8, 1751 ; idem, 14 vol. in-18, 1802. — Le roman de Clarisse, ouvrage sur lequel repose la réputation de Richardson comme auteur classique anglais, parut huit ans après la publication de Paméla. Cette histoire, comme celle de Paméla, est très-simple, mais la scène se passe dans une plus haute sphère de la société ; les caractères sont tracés d’un pinceau plus vigoureux, et tous les accessoires ont quelque chose de plus élevé. Clarisse, dont le caractère est aussi près de la perfection que l’auteur a pu le faire, est persécutée par un père et un frère tyranniques, par une sœur envieuse, et par tous les membres de la famille qui sacrifieraient tout à leur élévation, et qui veulent la forcer à épouser un homme très-peu digne de plaire. Dans une série de lettres, Clarisse fait part de ces intrigues, de ses malheurs à son amie miss Howe, jeune femme d’un caractère ardent, impétueux, enthousiaste en amitié. Après tant de souffrances, et telles qu’il faut toute sa vertu pour les avoir endurées, Clarisse est tentée de se mettre sous la protection de Lovelace, qui l’aime, et dans le caractère duquel Richardson a développé tout son talent, car il a eu l’art de rendre agréables au lecteur l’esprit et les ressources d’un homme dont il fait détester l’infâme conduite. Lovelace nous est représenté comme un libertin qui a consacré sa vie et ses talents à séduire les femmes : les charmes mêmes de Clarisse, l’abandon dans lequel elle se trouve, ne peuvent le décider à l’épouser. Cet amant perfide, excité, à ce qu’il paraît, autant par son goût pour l’intrigue et les entreprises difficiles que par le désir d’hu-