Page:Revue des Romans (1839).djvu/664

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unit des vues philosophiques à tous les genres de mérites qui distinguent Paul et Virginie ; il respire une raison aimable qui sent avec délicatesse, plaisante avec grâce, sourit même en s’attendrissant, ne prêche pas, mais persuade, et, toujours ferme avec douceur, reste inaccessible aux préjugés. Comme l’auteur peint bien tout ce dont il parle, Benarès, les bords du Gange, et le temple de Jagrenat, si respecté des peuples de l’Inde ! comme il fait sentir le respect des Brames pour les Brames, et leur mépris pour le genre humain ! comme il met bien en contraste l’orgueil ignorant d’un grand prêtre et la modestie éclairée d’un paria ! comme il est simple avec élégance, soit dans le récit des amours du paria, soit dans le tableau des divers aspects que présente, au milieu de la nuit, l’intérieur à demi silencieux d’une grande ville, soit dans le tableau plus doux d’une humble famille, heureuse sous le toit qui la couvre, au sein du champ qui suffit pour la nourrir ! Il n’enfle point sa diction de ces épithètes descriptives tant prodiguées par ceux qui ne font que dénaturer la prose, en voulant y introduire ce qu’ils appellent de la poésie. Averti par une oreille délicate et savante, il ne confond pas non plus l’harmonie indépendante qui sied au langage ordinaire avec le rhythme poétique. Vous ne rencontrerez pas, en le lisant, des vers de toute mesure, accumulés et marchant de suite, ce qu’ont affecté plusieurs écrivains modernes, mais ce qu’ont toujours évité les classiques, surtout ceux qui écrivaient également bien en vers et en prose, et qui sont restés doublement modèles.

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SAINT-THOMAS.


HUIT JOURS D’ABSENCE, ou l’Hospice du Mont-Cenis, 4 vol. in-12, 1821. — L’auteur a choisi pour ses héros deux amants qui sont au moment de s’unir. Une séparation de huit jours donne lieu à une correspondance dans laquelle leur âme se développe tout entière. L’amant voyageur, pour tromper ses ennuis, trace une espèce de journal, dans lequel il peint à son amie ce qu’il voit et lui rend compte de ses impressions. On sent bien que, pour un auteur qui a pris à tâche d’être vrai et naturel, huit jours ne sauraient fournir des événements pour quatre volumes, aussi a-t-il semé son ouvrage d’épisodes intéressants et de descriptions charmantes. L’épisode d’Edmond, surtout, est d’un intérêt, d’un charme inexprimable. Pauvre Edmond ! … pauvre Blanche ! … qui pourrait lire l’histoire de vos amours et ne pas vous donner des larmes ? Nous recommandons aussi celui de Boisud, dans lequel l’auteur a peint des couleurs les plus fortes l’animosité de deux familles