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SALM REIFFERSCHEID-DICK
(Constance-Marie de Théis, épouse en premières noces de Pipelet Leury, et par son second mariage princesse de), née à Nantes le 7 novembre 1767.


VINGT-QUATRE HEURES D’UNE FEMME SENSIBLE, ou une Grande leçon, in-8, 1824 ; 3e édit., 1837. — Dans ce roman, Mme  de Salm a voulu peindre la jalousie, non dans ses fureurs, mais dans les douleurs dont elle accable une âme vive et sensible, et elle a parfaitement réussi. Un brillant succès a accueilli dès le début cette production très-remarquable ; le talent d’exprimer de grandes pensées, de fortes impressions, semblait perdu depuis un certain nombre d’années ; on s’exprimait dans un langage que tous les lecteurs ne pouvaient comprendre. Semblable aux bons écrivains du siècle de Louis XIV, Mme  de Salm donne à ses pensées un tour si naturel, qu’on les prendrait pour de véritables maximes. Elle a encore un mérite bien recommandable, celui de respecter les grands principes de morale, en peignant une passion qui en éloigne trop souvent. Voici l’impression que cet ouvrage a produit sur une femme d’un goût délicat, d’une sensibilité profonde, d’un esprit distingué, qui pouvait mieux que personne bien juger une semblable production. — « Pour exprimer, dit-elle, tout ce que cette lecture m’a fait éprouver, il me faudrait copier des pages entières. J’ai douté, j’ai attendu, j’ai souffert avec cette femme : éminemment favorisée de la nature et du sort, et pourtant si malheureuse par l’énergie des facultés qu’elle a reçues pour aimer et pour être aimée. Tant d’agitations, d’espoir, de craintes, de délires, dans le court espace de vingt-quatre heures, pourront étonner, fatiguer même ceux qui prétendraient juger un tel ouvrage avec l’esprit plus qu’avec le cœur. Il est pour l’âme, comme pour l’oreille, des vibrations qui échappent entièrement à l’analyse et à la froide application des règles. Quant à moi, j’ai savouré avec l’héroïne, en bien moins de temps que l’auteur n’en supposait à son action, les joies de l’amour confiant et les tortures de l’amour jaloux… On trouve dans ce roman des aperçus pleins de finesse, une profonde connaissance du cœur humain, un style facile et gracieux, tantôt doux et tendre comme l’amour confiant et heureux, tantôt âcre et brûlant comme la jalousie, toujours rapide comme l’action qu’il décrit. Les Vingt-quatre heures d’un femme sensible, où l’on reconnaît la plume exercée d’une femme supérieure, dont tous ceux qui l’approchent honorent le caractère autant qu’ils admirent les talents, sont une composition très-originale, que plus d’un mari pourra mettre prudemment entre les mains de sa femme… »