Page:Revue des Romans (1839).djvu/690

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c’est entre ses mains que tombe l’étranger. Interrogé qui il était, il ne prétendit point en imposer, et se donna fièrement pour un ennemi de Roderic. Celui-ci, frappé de tant d’audace, loin d’abuser du sort qui met à sa discrétion la vie de son ennemi, promet à l’étranger de le conduire, par des chemins sûrs, hors des terres de Roderic, et lui tient parole. Dans la route, une conversation pleine de fierté et de hauteur s’engage entre les deux voyageurs. L’étranger, soutenant son caractère, parle toujours de Roderic avec l’accent de la haine, et, ce qui est plus piquant, de la supériorité : il témoigne le plus grand désir de le rencontrer pour le combattre. Le fier, le violent Roderic, se contient tant qu’il est sur ses terres, environné de ses soldats ; mais il n’a pas plutôt dégagé sa parole et conduit l’étranger hors de son territoire, que, lui adressant la parole, il s’écrie : « Le voilà ce Roderic que tu as juré de combattre ; il a été fidèle à sa parole, sois fidèle à la tienne : combats et défends-toi ! » L’étranger, frappé du noble procédé de son ennemi, hésite un instant ; mais Roderic insiste, et après un combat de générosité, commence un combat terrible entre les deux chevaliers, également braves, également exercés, et également acharnés à la perte l’un de l’autre. La taille gigantesque et la force prodigieuse de Roderic mettent longtemps dans le plus grand danger son adversaire, qui n’est autre que le roi lui-même ; mais enfin l’adresse et le sang-froid de celui-ci triomphent ; Roderic est mortellement blessé et meurt de ses blessures ; ce qui avance beaucoup le dénoûment du roman et la fin des infortunes de la jeune et jolie Dame du Lac. — Les événements fabuleux qui composent l’histoire de cette héroïne, donnent lieu de peindre des mœurs et des costumes véritablement historiques. Ainsi, lorsque le comte Roderic se récolte contre son souverain, ce bûcher qu’il allume, cette chèvre qu’il égorge et dans le sang de laquelle il éteint cette croix enflammée ; ce barde fanatique qui prononce des anathèmes et fait des prédictions ; cette foule exaltée d’hommes et de femmes qui répètent en chœur les malédictions du barde contre tous ceux qui ne prendraient pas part à la guerre ; l’effet subit que produit cette cérémonie, et l’aspect de la croix à demi brûlée sur tous ceux à qui elle est présentée, et qui viennent aussitôt se ranger sous les drapeaux du comte Roderic : tout cela ne s’est point passé dans les circonstances où le rapporte l’auteur ; mais c’est une peinture véritable des mœurs et des coutumes des Écossais dans les guerres civiles qui agitèrent souvent cette nation brave, naturellement exaltée, et alors fort superstitieuse.

LES PURITAINS D’ÉCOSSE, trad. par Defauconpret, 4 vol. in-12, 1817. — Le roman des Puritains n’est pas un roman historique