Page:Revue des grands procès contemporains, tome 30, année 1912.djvu/14

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ont estimé que les Évêques de France avaient le droit de les exprimer comme ils l’ont fait.

Mais voici qu’au sein des associations amicales d’instituteurs, dont les membres sont en grande majorité raisonnables, et où les solutions raisonnables sont parfois en minorité, Les plus ardents ont accueilli furieusement les appréciations qui les désobligeaient, non sans déclarer, pour quelques-uns, que les attaques les honoraient. L’honneur n’était point, paraît-il, de très bon aloi, car ils se sont avisés ensuite qu’il était préjudiciable, et l’on entendit parler d’un procès.

Ce procès, Messieurs, est un procès malencontreux, et j’estime que les vrais amis de l’École neutre et du corps des instituteurs sont ceux qui doivent en être le plus sincèrement affligés.

Telle est, Messieurs, ma sincère conviction et c’est pour cela que j’ai l’honneur de me présenter à votre barre.

Il faut que je vous lise d’abord cette lettre pastorale. Elle est d’ailleurs insérée dans l’autographie du jugement dont est appel, mais cela coupera en deux ma lecture, ce qui n’en vaudra que mieux :


Nos très chers Frères,


Les Évêques de France vous adressèrent, l’an dernier, une lettre collective, pour vous signaler les graves atteintes que deux nouveaux projets de loi portaient à l’autorité des pères et des mères de famille, en matière d’enseignement et d’éducation.

C’était un cri d’alarme et une protestation dont personne ne mit en doute la nécessité, hélas trop manifeste. Aujourd’hui, nous venons vous rappeler, d’après la doctrine de l’Église, les droits et les devoirs des parents au sujet de l’école.

La famille est une société que Dieu a établie et que l’homme ne peut détruire. Quoi qu’en disent certains philosophes, imbus des erreurs grossières du paganisme, elle doit vivre dans l’État, sans se confondre avec lui. C’est à vous, pères et mères, que les enfants appartiennent, puisqu’ils sont l’os de vos os et la chair de votre chair, et c’est vous qui, après leur avoir donné la vie du corps, avez le droit imprescriptible de les initier à la vie de l’âme. Dans l’œuvre de l’éducation, l’État peut vous aider et vous suppléer, mais non vous supplanter. C’est à tort qu’il invoque, pour justifier ses prétentions, ce qu’on appelle le droit de l’enfant. L’enfant n’a pas de droit qui puisse prévaloir contre les droits de Dieu, en qui nous sommes obligés, dès l’éveil de notre raison, de reconnaître notre principe et notre fin ; il n’a pas, notamment, le droit de refuser jusqu’à dix-huit ans, selon la théorie d’un sophiste qui fut un mauvais père, l’instruction religieuse que les parents sont tenus de lui donner ou de lui faire donner.

Le droit de procurer à vos enfants une éducation conforme aux exigences de votre foi religieuse vous est reconnu, non seulement par la loi naturelle, telle que la saine raison la formule, mais par la loi divine, telle que les Saintes Écritures nous la révèlent. Nous lisons au Livre des Proverbes ce passage choisi entre bien d’autres : « Mon fils, garde les commandements de ton père et n’abandonne pas les enseignements de ta mère. Porte-les sans cesse gravés sur ton cœur » (Prov., VI, 20, 22). L’Apôtre saint Paul enseigne la même doctrine, par cette parole qui rétablit la famille sur le fondement primordial de l’au-