Page:Revue des questions historiques, Tome X, 1871.djvu/567

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que ne le permettait son sexe, « dont elle ne faisait pas mystère 9

Elle se vantait bien haut d’être la Pucelle ressuscitée, et prétendait introniser sur le siège archiépiscopal de Trêves un des deux prétendants qui se le disputaient 10, comme elle avait précédemment assis sur le trône de France le roi légitime. A son arrivée dans la ville de Cologne, avec le comte de Wurtemberg, elle trouve le moyen d’opérer des prodiges : on répète partout qu’elle a déchiré en deux une pièce d’étoffe, et l’a remise aussitôt dans l’état primitif, qu’elle a brisé une vitre contre la muraille et l’a réparée instantanément Kalt-Eysen survient et remplit immédiatement son office : il ouvre une enquête, il cite la magicienne à son tribunal. Mais celle-ci refuse de se soumettre aux ordres de l’Eglise. Elle est excommuniée et va être jetée en prison, lorsque le comte, son protecteur, l’enlève à temps et la ramène à Arlon 11.

Malgré cette escapade, elle se fit épouser là par un chevalier de noble lignée, messire Robert des Armoises. Je ne sais si, comme le dit M. Vallet, elle le « séduisit 12, » et je croirais plutôt que cette union singulière eut lieu par la volonté ou l’influence de la maison de Luxembourg ; car elle ne fut pas heureuse. On conserva longtemps dans la famille des Armoises le contrat de mariage des deux époux, qui servait encore au XVIIe siècle à étayer des preuves de noblesse et de chevalerie, et qui perpétua jusque-là, ou même plus tard, en Lorraine, l’opinion que Jeanne d’Arc avait laissé une postérité directe 13.

Dès lors, notre aventurière prit le nom de Jeanne des Armoises, qui lui est donné par tous les contemporains. Elle se fixa pour un temps à Metz, dans l’hôtel de son mari, situé devant l’église de Sainte-Ségoleine 14, et, non contente de la position brillante que ses intrigues lui avaient si rapidement value, se mit à dresser de là de nouvelles batteries.