Page:Revue des questions historiques, Tome X, 1871.djvu/570

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce qu’elle voulait surtout, sans doute, c’était de se dérober pour un temps aux inquisitions et à la défiance excitée par sa conduite. Pouvait-elle, en effet, se flatter d’abuser le Saint-Père en personne ? Elle ne semble pas l’avoir essayé ; mais, ayant pris goût au métier des armes et à l’habit militaire, elle se contenta de s’enrôler au service d’Eugène IV dans la guerre qu’il avait alors à soutenir contre des princes italiens et contre ses sujets révoltés 27.

Jeanne reparaît sur la scène au mois de juillet 1439, et y fait une rentrée triomphale. Depuis combien de temps était-elle de retour en France, et par quels stratagèmes avait-elle raffermi sa fortune chancelante ? Ce qu’il y a de certain, c’est que nous la revoyons alors à Orléans, choyée, fêtée, récompensée par le conseil de ville, comme s’il ne s’élevait plus sur son identité l’ombre d’un doute. Le 18, le 29, le 30 juillet, on lui offre des banquets où ne sont épargnés ni les vins, ni les viandes 28. Le 1er août, dîner d’adieu, accompagné d’un don de deux cent dix livres parisis, « octroyées à Jehanne d’Armoises par délibéracion faicte avecques le conseil de la ville, et pour le bien qu’elle a faict à la dicte ville durant le siège 29. » Son départ d’Orléans fut assez précipité ; car on avait encore commandé en son honneur huit pintes de vin, qui arrivèrent trop tard et dont on fit profiter un sieur Jean Luillier, sans doute le marchand drapier de ce nom qui avait jadis habillé la Pucelle par les ordres du duc Charles 30.

Après une nouvelle apparition, le 4 septembre, dans cette ville où elle était si bien reçue 31, Jeanne se dirigea vers la Touraine. Dans le courant du mois, le bailli de cette province écrit à son sujet une lettre à Charles VII, et elle y joint elle-