Page:Revue des questions historiques, Tome X, 1871.djvu/608

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lité, car tout fonctionnaire haïssait la noblesse et cherchait à satisfaire sa haine. Alfonse maintint vigoureusement l’ordre public, les justices seigneuriales furent surveillées, et si les excès furent encore nombreux, ils attirèrent la punition de leurs auteurs.

Les relations d’Alfonse avec le tiers-État sont tout à l’avantage de ce dernier. En 1270, le comte octroya à la ville de Riom la charte dite Alfonsine, qui devint comme le code du droit public de l’Auvergne pendant tout le moyen âge ; dans le Midi, où le tiers-État possédait déjà des fiefs nobles, on peut signaler un singulier changement d’idées de la part de certaines villes où, comme à Castel-Sarrazin et Moissac, on abandonna au comte la juridiction municipale et le droit d’élection des consuls, actes qui paraissent se rattacher, dit M. Boutaric, à une sorte de révolution communale qui est restée ignorée, mais dont on trouve des traces authentiques.

Peu sympathique peut-être aux libertés communales, Alfonse, néanmoins, n’en viola aucune, et fonda un certain nombre de villages ou bourgs dont les habitants furent dotés de privilèges réels. M. Boutaric en donne l’analyse. Les privilèges politiques sont très-restreints, car c’est le bayle, non les habitants, qui choisit les consuls, après avoir consulté les notables. Cependant la répartition de l’impôt est faite par douze habitants élus par le peuple ; tout ce qui touche à la liberté civile est clair, précis et satisfaisant. N’oublions pas que le tiers-État était appelé à se prononcer sur les demandes des subsides qui étaient faites à chaque communauté en particulier, et que, dans le Midi, il y avait des assemblées composées de membres des trois ordres. La réunion du Languedoc à la couronne inspira, dit M. Boutaric, l’idée de généraliser ces assemblées, et donna certainement naissance aux États généraux.

Ici doit se terminer l’analyse de l’ouvrage du savant archiviste, dont nous avons relevé au courant de la plume les principaux traits ; beaucoup d’autres offrent un intérêt égal, si ce n’est supérieur. Ainsi M. Boutaric prouve, contre l’opinion de M. Beugnot et de M. Henri Martin, que le traité d’Abbeville, passé en 1258 entre saint Louis et le roi d’Angleterre, loin d’être désavantageux, fut au contraire un chef-d’œuvre politique, car il établit légalement la prédominance du Roi dans tout le royaume, en faisant reconnaître sa suzeraineté par un puissant roi ; ainsi M. Boutaric constate que la fameuse ordonnance de saint Louis pour la réformation du royaume, avant d’être générale pour tout le royaume, fut spécialement appliquée aux sénéchaussées royales du Midi ; ainsi il constate que le droit de régale n’était pas établi légalement en Languedoc au XIIIe siècle. Parmi toutes les pièces analysées ou publiées in extenso, je ne relèverai plus que l’instruction donnée par Urbain IV aux inquisiteurs dans les États d’Alfonse, « véritable code, dit M. Boutaric, qui mérite de fixer l’attention, parce qu’il détermine les modes de procéder de l’inquisition au milieu du XIIIe siècle et permet d’apprécier les adoucissements apportés. » On y voit, entre autres dispositions, ce point important d’une sorte de jury qui assiste les in-