Page:Revue des religions, Vol 2, 1892.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
LE BOUDDHISME

le pays de Bouddha. S’il en était ainsi, c’est Bhou-yül qu’il fallait écrire ce nom géographique pour être d’accord avec le dictionnaire officiel de l’Académie thibétaine, et non Péu-yül comme tout le monde écrit et prononce. En réalité, cette explication est fausse et n’empêche pas le nom sanscrit de Bouddha d’être inconnu au Thibet.

Mais la traduction thibétaine de ce nom est au contraire très populaire. Tout le monde connaît Sang-guié. Sang est le passé des verbes Tsàng et Sang qui l’un et l’autre signifient : émonder, purifier. Le mot Guié pris adjectivement signifie : abondant, nombreux, grand, et pris adverbialement signifie : très, beaucoup. Réunis, ces deux mots signifient donc : celui qui est grandement, abondamment, très purifié, expression qui diffère essentiellement de celle-ci : le très pur ; la deuxième indiquant un état de pureté, de perfection native ; la première indiquant un état de pureté acquise et supposant un état antérieur de non pureté ou plutôt d’imperfection. Csoma a eu tort de traduire Sang-guié au présent par : parfait, saint. Il aurait dû traduire l’homme devenu parfait, saint. Burnouf lui, a eu raison de le traduire au passé : l’homme qui étant entièrement affranchi de l’Erreur est parvenu à la connaissance de la Vérité absolue. Mais il a eu le grand tort d’ajouter de lui-même ces mots : de l’erreur, et, à la connaissance de la vérité absolue, car si la purification d’un Bouddha consiste principalement dans l’affranchissement de l’erreur et dans l’acquisition de la connaissance de la vérité absolue, elle consiste également dans la purification des imperfections morales, comme nous le verrons bientôt. Étymologiquement parlant, un Bouddha quelconque n’est donc pas parfait par nature, mais il le devient. Dès lors il n’est plus comparable qu’aux saints du christianisme, mais il ne peut nullement être comparé à Dieu, pas même aux anges.