Page:Revue des religions, Vol 2, 1892.djvu/124

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encore cet instinct de curiosité, qui poussa l’homme, dès les premiers jours, à s’enquérir anxieusement des choses de l’autre monde.

Nous le voyons d’abord, absorbé tout entier dans sa douleur, entonner un chant de deuil en l’honneur de son ami, — une triste mélopée, modulée sur un rythme grave, où sans cesse revient, parmi les souvenirs glorieux et familiers, avec la monotonie d’un refrain, le thème éternel de la mort : « Hélas ! Eabani, nous ne te verrons plus te diriger vers le temple, revêtu de blancs vêtements, ni t’oindre de la graisse du taureau dont l’odeur exquise faisait courir après toi ! Nous ne te verrons plus tendre l’arc meurtrier contre tes ennemis, ni t’avancer majestueusement, le sceptre en main, car voici que t’enveloppent de toutes parts ceux que tu as frappés, et que les mânes te poursuivent de leurs malédictions ! Tu ne lieras plus à tes pieds des sandales, et tu n’adresseras plus de fière provocation à la terre ! Désormais, il ne te sera point donné d’embrasser la femme que tu aimes, ni de battre la femme que tu détestes ! Non, il ne te sera point donné d’embrasser le fils que tu aimes, ni de battre le fils que tu détestes ! Hélas, hélas ! la terre en rugissant s’est refermée sur toi ! Tu es devenu la proie de la sombre, de la noire mère, la déesse Nin-a-zu, la ténébreuse, d’aspect mystérieux et redoutable, avec son visage voilé et sa poitrine de taureau ! [1] »

Gilgamès, dans son affliction, cria sa plainte à tous les échos. Il courut de sanctuaire en sanctuaire s’adresser à tous ses dieux, espérant trouver auprès d’eux consolation et secours...

Prosterné aux pieds du dieu Nin-gul, il lui confia sa

  1. Tab. XII. Col. I, l. 11-31.