Page:Revue des religions, Vol 2, 1892.djvu/126

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le dieu Ea. Ainsi que Bel, Sin et Ea se montrèrent insensibles à ses larmes [1].

Enfin, dans son désespoir, il s’adressa au dieu des enfers lui-même, au guerrier, au héros Nergal : « O toi, Nergal, s’écria-t-il, guerrier, héros, relâche le cercle qui maintient l’univers, de grâce, entrouvre la terre, afin que l’ombre d’Eabani, s’élance, comme un souffle, hors du tombeau ! » Sa prière, cette fois, ne fut point vaine. En effet, le guerrier, le héros Nergal, ayant relâché le cercle qui maintient l’univers, la terre s’entr’ouvrit, et aussitôt, l’ombre d’Eabani s’élança, comme un souffle, hors du tombeau...[2]

Ainsi, ils se retrouvaient en présence l’un de l’autre Gilgamès et Eabani, ou plutôt, la pâle image, l’ombre de ce qui fut Eabani. Tout entier à ses préoccupations, le héros ne prit pas seulement le temps de manifester la joie qu’il éprouvait de revoir son ami, après une aussi longue séparation, et, allant droit au fait, sans autre préambule, il le supplia de lui révéler les mystères d’outre-tombe : « Dis-moi, mon ami, oh ! oui, mon ami, dis le moi ; de grâce, entr’ouvre la terre sous mes yeux et raconte moi ce que tu as vu là-bas aux enfers ! » Eabani opposa d’abord quelque résistance : « Je ne te le dirai point, mon ami, non, je ne te le dirai point, car si j’ontr’ouvrais la terre sous tes yeux et si je te racontais ce que j’ai vu là-bas aux enfers, que de pleurs, hélas ! tu verserais ! » Gilgamès insista : « Eh bien ! je pleurerai, qu’importe ? » Alors Eabani, sans se faire prier plus longtemps, se rendit à ses désirs... [3]

  1. Tab XII. Col III, l. 6-20.
  2. Tab. XII. Col. III, l. 21-28. Les l. 29-30 qui terminent cette colonne sont très obscures.
  3. Tab. XII. Col IV, l. 1-6. Les l. 7-13 sont fragmentaires et partant très obscures.