Page:Revue des religions, Vol 2, 1892.djvu/58

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envers les dieux qui m’avaient sauvé la vie, j’offris un sacrifice sur le sommet même de la montagne. J’avais disposé avec ordre et en nombre des vases propitiatoires, au-dessous desquels, je versai en abondance des grains de cannelle, de résine et des siliques. La fumée de mon holocauste monta droit jusqu’au ciel. Ce sacrifice fut pour les dieux un sacrifice d’agréable odeur. Je les vis, en effet, se ramasser en grappe, comme un essaim de mouches, au-dessus de l’autel et les narines dilatées, aspirer délicieusement ce parfum suave... Au moment où s’avança la grande déesse, revêtue de magnifiques ornements, chef-d’œuvre d’Anu, reflet de sa splendeur, — Oh ! non, ces dieux, pas plus que mon collier, je ne saurais les oublier ! Non, ce jour où je fus initié à la sagesse ne sortira jamais de ma mémoire ! — je dis à voix haute : « Oui, que les dieux accourent en foule à mon sacrifice, qu’ils y viennent tous, à l’exception de Bel, celui qui fit inconsidérément le déluge et voua mon peuple à la perdition [1]. »

« Tous les dieux répondirent à mon appel. Parmi eux se trouvait aussi Bel, le guerrier... Dès qu’il aperçut le vaisseau, il entra dans une grande colère, digne des Igigi eux-mêmes : « Quel est celui d’entre les dieux, s’écria-t-il, qui a osé enfreindre mes ordres ? Qui donc s’est mêlé de conserver la vie sur la terre ? Qu’aucun homme ne survive à ce désastre ! [2] »

« Ninib, le premier, prit la parole et dit à Bel, le guerrier : « Qui donc a pu faire la chose, si ce n’est Ea ! Ea ne connaît-il pas tous les artifices ? [3] »

« Ea, se trouvant mis en cause, prit la parole à son tour. Tout d’abord, il adressa de vives objurgations au

  1. Tab. XI, l. 156-170.
  2. Tab. XI, l. 171-175.
  3. Tab. XI, l. 176-179.