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de branches de bouleau d’argent et des seaux d’argent avec de l’eau, mais on ne voyait nulle part des êtres vivants venir se baigner[1]. La pleine lune brillait au ciel et le jeune homme put voir tout ce qui se passait autour de lui.

Après quelques instants il entendit un doux frémissement dans le feuillage, comme si un souffle de vent s’élevait, puis il vit apparaître de toutes parts des vierges nues, plus belles et plus roses de visage que toutes celles que l’on voit dans tous nos villages. Toutes ces filles du dieu de forêt (Metshaljas) et de la mère du gazon (Murueit) montaient sur les bancs d’étuve pour se baigner. Le jeune homme guettant derrière un buisson désirait cette nuit cent paires d’yeux, car ses deux yeux ne pouvaient voir toutes ces beautés. Enfin vers le matin les bancs d’étuve et les vierges disparurent comme s’ils s’étaient transformés en un nuage de brouillard. Il resta encore longtemps à regarder, jusqu’à ce que le soleil fut levé, c’est alors seulement qu’il songea à retourner chez lui.

Le jour lui sembla long comme une année entière, et il attendit avec grande impatience le soir et la nuit, espérant voir de nouveau les vierges se baigner au clair de lune. Mais dans la forêt il ne trouva rien ni les bancs d’étuve ni les vierges. Néanmoins il ne craignait aucune fatigue et y retourna toutes les nuits, mais ses visites étaient vaines.

Bientôt il commença à dépérir ; il n’y avait plus rien au monde de ce qui aurait pu le réjouir ; il ne mangea plus, il ne but plus et mourut de chagrin n’ayant pas trouvé le bonheur dans les choses secrètes.


II

Puulane ja Tohtlane

(L’homme de bois et la femme d’écorce)


Un paysan avare avait toujours des ennuis et des chagrins parce que les ouvriers et les servantes ne restaient pas longtemps chez lui et le quittaient à chaque instant. Il ne leur demandait pas plus

  1. Les Estoniens, comme tous les peuples du Nord, aiment beaucoup les bains d’étuve qu’il prennent régulièrement tous les samedis soir. Ils prennent les bains d’étuve non seulement pour la propreté du corps, mais aussi contre toute sorte de maladies. Chaque famille a ses bains construits à part. Dans une pièce surchauffée sont placés sous le plafond des bancs d’étuve (lawa) où on se frappe avec des bouquets de branches de bouleau (wihad) dans une chaleur étouffante de vapeur. Aussi chauffe-t-on les bains pour des visites venues de loin. C’est pour cela que les bains jouent un grand rôle dans les contes et les chants estoniens et finnois. Il y a des contes spéciaux qui se rattachent aux bains. A. D.