Page:Revue du Pays de Caux n1 janvier 1903.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

la capitale de la France. Causeur étincelant, d’un esprit infatigable quoique sans gaîté, M. de Blowitz parlait admirablement notre langue et fort mal la sienne ; au fait, il n’avait rien d’Anglais ni la silhouette, ni l’esprit, ni la conscience. On a dit de lui infiniment de mal ; on en dira encore, et certainement il y en avait à dire. N’empêche que si, de temps à autre, il nous a joué des tours, une circonstance s’est trouvée dans laquelle il nous a rendu le plus qualifié des services ; ne mesurons pas notre reconnaissance au mérite secret, mais au résultat certain. C’était en 1875. Le prince de Bismarck, à l’insu de l’empereur Guillaume méditait une nouvelle agression contre la France ; le plan était de franchir la frontière brusquement, presque sans déclaration de guerre, de marcher sur Paris et d’imposer une nouvelle paix bien plus onéreuse que celle de 1871. Ce plan fut dévoilé par M. de Blowitz — comment se l’était-il procuré, on ne le saura peut-être jamais. L’article du Times causa une profonde sensation en Europe ; l’indignation fut générale. D’ailleurs, presqu’en même temps la reine d’Angleterre et l’empereur de Russie adressèrent à Berlin d’énergiques remontrances ; M. de Bismarck joua l’étonnement et tout se calma en trois jours. La part due à l’initiative de M. de Blowitz dans cet heureux résultat est immense. Nous devons à sa mémoire une reconnaissance proportionnée à la haine que lui vouèrent, ce jour-là, nos ennemis.

Perspectives Macédoniennes.

Ce n’est pas pour les beaux yeux du prince de Bulgarie ou du roi de Serbie, ni même de la reine Draga (encore qu’il ait saisi cette occasion de réparer quelque peu une gaffe impériale) que le comte Lamsdorff, chancelier de Nicolas ii, s’est rendu le mois dernier à Sofia et à Nisch. Vienne d’ailleurs était compris dans son itinéraire, et ce n’est pas là que se sont échangés les propos les moins significatifs. Il s’agissait de la Macédoine. On n’a plus, paraît-il, que peu d’espoir d’y maintenir la paix au-delà des approches du printemps et tout s’y prépare pour une rébellion gigantesque. Les grandes puissances Européennes recueilleront en cette circonstance le fruit de la pitoyable politique qui les a conduites, à force d’atermoiements et de laisser-aller, à devenir presque les complices de la Turquie. Tout le