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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

des indigents inscrits sur les listes de secours ; ceci est très fâcheux, mais à qui la faute ? À l’administration qui n’a pas pris de renseignements suffisants ou n’a pas tenu compte de ceux qui lui étaient fournis. La question, somme toute, est beaucoup plus haute. Il y a des nationalités prenantes et d’autres qui ne le sont point. Voyez les Allemands d’Amérique ; la nationalité Germaine est assurément une nationalité forte. N’empêche que les petits Allemands nés aux États-Unis sont déjà foncièrement Américains ; à la seconde génération, toute trace de germanisme a disparu ; le Français là-bas demeure Français ; en fait, il ne s’assimile nulle part. Mais conquiert-il à son tour, chez lui, les enfants des autres races ? Toute la question est là. S’il les conquiert, bien loin d’hésiter il faut multiplier les naturalisations ; elles seront un précieux adjuvant à l’accroissement d’une population trop stagnante ; s’il ne les conquiert pas, il faut au contraire se méfier grandement d’un procédé qui tendrait à affaiblir rapidement l’élément national. Eh bien, en France même, la question parait indécise ; on relève des cas où la francisation s’opère totalement, d’autres où elle demeure partielle, d’autres où elle ne se fait pas du tout. Dans ces conditions il serait également fâcheux d’accepter ou de repousser en bloc toutes les demandes de naturalisation. La question se présente sous des points de vue différents selon qu’il s’agit de la ville ou de la campagne, du midi ou du nord, du centre ou des frontières, d’Espagnols ou d’Italiens, de Suisses ou de Belges, de Russes ou d’Anglais. Des colonies Anglaises à Boulogne et à Calais, Italiennes à Nice et à Menton sont moins dangereuses que des groupements de faux naturalisés gardant sous une étiquette d’emprunt les passions et la mentalité de leurs races d’origine ; les Espagnols par contre n’ont autour des Pyrénées aucune ambition ni aucun souvenir gênants. La France sera pour des Belges ou des Suisses de langue Française une sorte de grande patrie supérieure à l’autre par sa masse et sa force, tandis que pour un Allemand elle représente une puissance inférieure à l’Allemagne qui l’a vaincue. Si enfin, il s’agit de petites villes ou de régions éloignées de la frontière, que craindrez-vous du naturalisé ? À voir encore s’il a épousé une femme de son pays ou une Française, s’ils ont déjà de grands enfants, si la pratique de notre langue est courante à leur foyer… Nous pensons que la solution du problème n’est nullement législative ; il faut des enquêtes sérieuses pour chaque cas ; il faut repousser nettement