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REVUE DU PAYS DE CAUX

prendra fin et où Alphonse xiii deviendra roi de fait comme il l’est de nom. Il y a là de précieuses ressources de popularité dont le jeune monarque, bien conseillé, pourra faire un usage fécond.

Une anecdote à propos de lord Dufferin.

On a rappelé, ces temps-ci, bien des traits de la vie de Lord Dufferin qui fut gouverneur-général du Canada, vice-roi des Indes et occupa comme ambassadeur de la reine Victoria, les principaux postes d’Europe. Ce fut à Paris qu’il termina sa carrière avant d’entrer dans une retraite bien gagnée, mais que ne tarda pas à assombrir la mort de son fils aîné, tué au Transvaal. Comme il était jadis ambassadeur à Pétersbourg, Lord Dufferin ne tarda pas à s’apercevoir que certains de ses collègues ayant rang de généraux jouissaient du privilège d’approcher l’empereur, à la revue hebdomadaire, dans des conditions particulièrement favorables ; les entretiens, moins diplomatiques pouvaient être plus longs et plus francs. Plusieurs des grandes puissances étaient alors représentées auprès d’Alexandre ii par des militaires qui, chaque semaine, caracolaient de la sorte autour de Sa Majesté. Caracoler ne gênait pas Lord Dufferin, mais il lui fallait un uniforme. Par dépêche il se fit nommer colonel honoraire d’un régiment de volontaires londoniens et à la revue suivante, on vit le « Colonel » Dufferin paraître, au petit galop de son cheval, comme s’il n’eut jamais fait autre chose de sa vie. Il y eût un moment de stupéfaction, mais l’ambassadeur d’Angleterre était de ces hommes qui s’imposent, même à un empereur… Ce petit trait ne dépeint pas seulement le caractère d’un Anglais éminent, il fait comprendre à merveille l’une des principales sources d’où l’Angleterre tire sa force, c’est-à-dire de la façon dont elle est servie. Ceux de ses fils qu’elle emploie, ont tous, plus ou moins, cet esprit d’entreprise qui les porte à payer d’audace, à aller de l’avant, à risquer de se compromettre pour elle. Quelle force pour une nation et quelle différence avec les représentants de la France, toujours hypnotisés par l’idée du blâme qu’ils pourraient encourir et de l’échec auquel ils pourraient s’exposer !

Mais est-ce bien le moment de formuler ce reproche (qui reste d’ailleurs trop souvent mérité), alors que la République vient de rendre un funèbre hommage à un héros du devoir, à un fonctionnaire modèle, au noble Dr Ballay, gouverneur de l’Afrique Occi-