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CÉCIL RHODES

désormais impossible. Cecil Rhodes, pourtant, s’occupe d’elle, exactement comme si elle était déjà vivante. C’est qu’il la considère comme la résultante inéluctable d’un état de choses que lui-même a contribué grandement à engendrer. N’oublions pas, en effet, que Cecil Rhodes, dont le maladroit acquiescement au raid Jameson a provoqué la guerre Anglo-Boer, est aussi le rénovateur de l’Afrikander Bond. C’est lui qui, avec une habileté et une persévérance consommées, avait su rallier les Hollandais du Cap et en faire de loyaux sujets de l’Angleterre ; et cette belle œuvre avait été si fortement cimentée que leur loyalisme, somme toute, résista à trois années de guerre et les retint d’y prendre part. La fédération Sud-Africaine est aussi certaine, aussi obligatoire que la fédération Australienne.

Le patriotisme de Rhodes est à trois degrés : d’abord la Rhodesia — puis le Sud-Afrique — enfin l’empire Britannique. Avec une perspicacité et une justesse de touche qui indiquent une culture très étendue et très approfondie, il se rend compte que le centre de gravité de l’empire est plus près d’Oxford que de Londres. C’est une idée d’autant plus remarquable que très peu d’Anglais l’ont eue. Ni la métropole, ni Westminster, ni le Souverain ne cimentent l’union et ne la symbolisent autant que les deux vieilles universités, couvertes d’ans et de gloire, et qui sont comme l’acropole morale du peuple Anglais. En plus des dons royaux qu’il fait à son vieux collège d’Oriel, Rhodes institue à Oxford, soixante bourses réparties à raison de 9 pour la Rhodesia, 15 pour le reste de l’Afrique du Sud, 21 pour l’Australasie, 9 pour le Canada et Terre Neuve, 3 pour les Bermudes et 3 pour la Jamaïque ; on remarquera que l’Inde est volontairement oubliée, ce qui est très suggestif ; ce qui l’est plus encore, c’est que les États-Unis sont traités comme puissance Anglaise et plus favorablement encore que le Canada et l’Australie, puisque de nombreuses bourses leur sont attribuées, à raison de deux par État. Les Américains ont grimacé de ce cadeau et leurs journaux se sont montrés naïvement surpris que Rhodes n’eût pas songé plutôt à envoyer de jeunes Anglais dans leurs propres universités : exquise candeur.

Enfin quelques étudiants Allemands désignés par l’empereur Guillaume, auront aussi à se partager des bourses à Oxford, car, écrit le testateur : « une bonne entente entre l’Angleterre, l’Allemagne et les États-Unis sera la plus sûre garantie de la paix du monde ». Ce passage demande un commentaire. Ce fut il y a