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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

venirs, renoué des liens brisés ; les paroles vengeresses qui se chantaient encore ont été rayées des hymnes nationaux et les soldats d’aujourd’hui ont, en fraternisant, effacé la mémoire des luttes fratricides d’antan.

C’est là l’aurore d’un grand, d’un très grand mouvement que vous verrez éclore dans une vingtaine d’années. Les Anglo-Saxons nous prouvent actuellement que le plus faible des liens politiques suffit à maintenir l’harmonie et l’équilibre d’un grand empire, dès que ceux qui le composent sont d’accord sur les principes fondamentaux de la vie individuelle et nationale. Les Espagnols qui sont, après les Anglo-Saxons, la communauté civilisée la plus nombreuse du globe, nous montreront qu’un tel empire peut s’établir et subsister sans lien du tout et par le seul fait de l’attraction de la race !

La Mission Rochambeau.

Ce n’est pas seulement la proclamation de la République Cubaine qui attire l’attention de l’Europe vers les États-Unis, c’est aussi bien l’envoi de la mission Rochambeau, succédant à la visite sensationnelle du prince Henri de Prusse. La mission Française a divers avantages sur l’Allemande. L’occasion d’abord. Lancer le yacht impérial et en prendre « livraison », c’était pour envoyer là-bas le prince Henri, un prétexte habilement saisi, mais futile en soi. Il en va différemment de l’inauguration d’un monument à la mémoire d’un des plus populaires parmi les héros de l’Indépendance. La « commande » de l’empereur d’Allemagne était flatteuse pour l’industrie Américaine, mais l’hommage rendu au maréchal Français remue, dans l’âme populaire, les souvenirs historiques les plus grandioses. Aussi, vu la solennité de la circonstance, est-ce un de nos cuirassés d’escadre, le Gaulois, battant pavillon de l’amiral Fournier, qui a transporté aux États-Unis la mission militaire dont le chef n’est autre que le général Brugère, généralissime de l’armée Française.

Nos officiers, auxquels sont adjoints des représentants éminents des Lettres et des Arts, ainsi que trois délégués du ministère des Affaires Étrangères, n’auront pas seulement la satisfaction d’une réception enthousiaste ; ils se feront une idée sommaire, mais juste, de cette grande république, parvenue, en cent ans, à un tel