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Page:Revue du Pays de Caux n2 mars 1903.djvu/27

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UN PASSÉ COMPLIQUÉ

en vue de limiter par des serments et une sorte de constitution le pouvoir absolu de la nouvelle souveraine échoue devant le mauvais vouloir de l’opinion, tant la doctrine autocratique avait déjà de partisans dans l’empire ; il est certain que le déplorable exemple de l’anarchie Polonaise n’était point fait pour y susciter des admirateurs à la doctrine du pouvoir limité. Au lieu du germanisme intelligent de Pierre le Grand, les Russes subiront, sous l’impératrice Anne, le joug d’un germanisme grossier, vindicatif et corrompu ; les condamnations politiques abondèrent ; il y en eut 20.000 en dix ans. Le palefrenier Biren, son amant, devenu duc de Courlande, lui succéda comme régent au nom d’un bébé qu’on appelait l’empereur Ivan vi. L’oppression Allemande devint si forte qu’un pronunciamento militaire s’opéra en faveur de la princesse Élisabeth, fille de Pierre le Grand, très populaire parmi les soldats aussi bien que parmi la foule. Le règne d’Élisabeth (1741-1762) ramena un peu de stabilité, d’ordre et de dignité dans le gouvernement. Son neveu l’incapable Pierre iii marqua le sien par quelques mesures absurdes ; le coup d’État par lequel sa femme Catherine d’Anhalt le déposa pour régner à sa place, empêcha ses initiatives malheureuses de porter leurs fruits.

À Catherine ii la Russie doit probablement plus encore qu’à Pierre le Grand. Le partage de la Pologne fut sans doute une faute capitale. Mais cette faute était aisée à réparer ; elle l’est encore. L’invention du tchin fut une faute non moins capitale et dont les conséquences sont irréparables. Par contre l’européanisation de l’impérialisme moscovite fut mieux conçue et exécutée par Catherine que par Pierre. Et quant à la politique dont l’un et l’autre s’inspirèrent, il faut sans doute leur en savoir gré au point de vue Russe ; mais il est à remarquer qu’elle fut également celle des princes les moins intelligents et les moins bien doués ; gagner la mer, refouler les Suédois, les Polonais et les Turcs, grouper les orthodoxes et les protéger, on peut à peine appeler cela le plan Russe ; on l’appelerait plutôt la nécessité Russe ; c’était le « to be or not to be » de la Russie. Cette politique s’est imposée à elle dès l’origine et elle n’en a plus connu d’autre jusqu’au jour où la marche des événements et le progrès des sciences lui ont permis de se construire une façade non plus sur une mer mais sur un océan de l’autre côté de la boule terrestre.

Paul ier (1796-1801) fils de Catherine et d’un de ses nombreux