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Page:Revue du Pays de Caux n2 mars 1903.djvu/3

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NOTRE ALLIÉE



Aujourd’hui, selon la promesse faite à nos lecteurs, nous tenterons d’esquisser la silhouette du grand empire Moscovite. Il n’est pas bon de le faire sans avoir dit, très clairement, sous quel angle nous envisageons l’alliance qui unit à cet empire la République Française. On doit craindre, en effet, tout malentendu sur un sujet si délicat et la franchise la plus absolue est le meilleur moyen d’y obvier.

Au rebours de la jument de Roland qui avait un défaut capital, celui d’être morte, l’alliance Franco-Russe jouit d’une qualité prédominante : c’est qu’elle est vivante est bien vivante. Vouloir l’affaiblir serait déraisonnable de la part des Français ; vouloir la détruire serait criminel. Quel crédit conserverait, dans le monde, la parole de la France si notre pays repoussait tout à coup la main qui s’est tendue en réponse à son geste d’amitié et s’est posée naguère, loyalement, dans la sienne ? Il n’y aurait plus de politique possible pour nous, en dehors de la politique d’isolement.

Et l’isolement, même pratiqué par le grand homme de Birmingham, est rarement « splendide ».

Cela ne vous empêche pas de regretter en votre for intérieur, si tel est votre bon plaisir, le système d’alliances qui aurait eu vos préférences. De très bons esprits se sont rencontrés pour proclamer que celui-là n’était ni le plus brillant ni le plus avantageux auquel la République pût recourir ; c’est peut-être vrai. Les historiens, plus tard, discuteront à loisir sur ce point. En attendant, un fait domine la situation et limite, par conséquent, nos critiques ; l’alliance existe ; œuvre difficile et lente, elle a été scellée de bonne foi et à bon escient ; il faudrait être insensé pour travailler à la briser.

Lorsqu’on est l’associé de quelqu’un, on s’abstient, en général, de le débiner parce qu’on risque, en le débinant, de se nuire à soi-même. C’est là du simple bon sens et de l’ordinaire prudence. Nous n’avons, d’ailleurs, aucun motif de marchander à nos alliés le juste tribut d’admiration qu’ils méritent sous bien des rapports.