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REVUE DU PAYS DE CAUX

où l’Amérique du Nord elle-même se tassait et devenait moins accueillante aux faiseurs d’affaires. Comment l’activité du siècle ne se serait-elle point jetée sur cette terre privilégiée par où l’on arrivait à la mer Noire, au golfe Persique et à Pékin ? D’autre part les besoins pécuniaires de l’empire allaient croissant. Il fallait de l’argent ; pour tant de motifs, le tsar était condamné à la politique financière et comme toutes choses, dans ses domaines, aboutissent à lui, comme il est le centre omnipotent des moindres innovations, le signataire universel des moindres décrets, de nouvelles séries de signatures vinrent s’ajouter à sa besogne quotidienne la rendant de plus en plus pesante ; car Nicolas ii a la conscience trop haute pour accepter le rôle aveugle d’une machine à signer, ignorante et sans souci. Peut-être a-t-il cru, et ses ministres aussi, pouvoir demeurer le maître du mouvement, rester en quelque sorte l’éclusier de la fortune publique. Illusion. On arrête un conspirateur : peut-on arrêter le chemin de fer ? On immobilise un bataillon : peut-on immobiliser le télégraphe ? De tous côtés les routes ont allongé leurs tentacules vers les limites maritimes qu’une poursuite séculaire assignait à l’effort Russe ; les succursales des grandes banques d’Europe ont ouvert des guichets de plus en plus lointains ; la bureaucratie capitaliste s’est implantée au sein des steppes sauvages. Et l’administration centrale est demeurée solitaire, unique, pliant sous des responsabilités largement accrues, exposée à des exigences de plus en plus redoutables.


Aristocratie et Bourgeoisie

« Il n’y a sur la terre Russe, écrivait Samarine en 1862, que deux forces vivantes : l’autocratie au sommet, la commune rurale en bas ; mais les deux forces au lieu d’être rattachées ensemble sont, au contraire, séparées par toutes les couches intermédiaires ». Et cela est parfaitement exact. Tout le problème Russe tient dans cette constatation. Rien à attendre de l’aristocratie. Catherine ii lui conféra vainement d’exorbitants privilèges ; elle n’eut ni le goût ni le moyen de s’en servir ; de nouvelles et plus récentes tentatives pour lui attribuer un rôle efficace échouèrent pareillement. La noblesse reste ce qu’elle fut toujours, une isolée tirant sa force des faveurs du trône ou des lois de l’État et non de son propre organisme, ne pouvant, par conséquent, servir d’appui ni au trône