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LE COQ ET L’HABIT



Ceci n’est point une fable.

Ésope, La Fontaine ou Florian n’ont rien à y voir.

C’est le simple énoncé d’une double observation inspirée par le maniement de nos nouvelles pièces de vingt francs et par la publication d’une photographie représentant l’arrivée du Président de la République en Russie.

Les monnaies de 1901, finement ciselées par Chaplain, portent au revers l’effigie d’un coq ventripotent, à la crête audacieuse, aux plumes ébouriffantes, l’air important et rageur. Interrogez le premier venu sur la raison d’être de cette image ; il vous répondra que c’est là le « coq Gaulois ». Ils seraient bien indignés, nos grands ancêtres, de savoir que l’animal vulgaire et prétentieux est ainsi devenu, rétrospectivement, l’emblème de leur race. Son nom n’était jadis qu’un calembourg injurieux jeté par le dédain du vainqueur à la face du vaincu. Le même mot servait en latin à désigner la bête et l’homme ; coq et gaulois se disaient de même : source de plaisanteries faciles dont sans doute, en Gaule, plus d’un cœur saigna.

Et voila que, l’ignorance aidant, quelque révolutionnaire en quête d’un emblème propre à remplacer la fleur de lys abhorrée, inventa le « coq Gaulois ». La vogue en fut mince et fugitive. Pourtant lorsqu’après 1830, Louis-Philippe se résigna à gratter docilement ses propres armoiries sur les panneaux de ses carrosses, afin de satisfaire aux exigences de la foule Parisienne, on alla rechercher le coq Gaulois dans les archives de la Révolution ; cette fois encore, son apparition fut brève ; l’animal retomba dans l’oubli. Jamais d’ailleurs on ne lui avait fait l’honneur de le graver sur les monnaies.

Quel est donc l’imbécile à qui l’aurore du vingtième siècle inspira une idée aussi saugrenue ? Ne connaîtrons-nous point son nom pour le clouer au pilori de l’opinion ? En attendant, les louis de la République s’en vont promener à travers le monde cette image humiliante et grotesque et la France prend plaisir à s’incarner dans l’animal qui rassemble tous les défauts que ses pires