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REVUE DU PAYS DE CAUX

Discours et monuments.

Notre grand poète Rostand, pour le fameux « à propos » duquel on fut si injuste il y a trois ans, a bénéficié le jour de son entrée à l’Académie d’une indulgence exagérée. Précieux jusqu’à en être agaçant, son discours a été porté aux nues, non seulement par les assistants que pouvait charmer une diction harmonieuse, mais par le public qui dut se borner à en lire le texte dans les journaux. On approuva de même la réponse du Vte E.-M. de Vogué. Assurément la figure du défunt immortel auquel Rostand succède a surgi très vivante de ces deux morceaux d’éloquence et les Français auxquels M. de Bornier n’avait jamais été très familier en ont appris du coup sur lui bien plus qu’ils n’en savaient de son vivant, mais si l’auteur de la « Fille de Roland » fut loué en cette circonstance d’une façon digne de son talent et surtout de son caractère, il n’en est pas moins vrai que les nouveaux académiciens ne paraissent pas aussi aptes à discourir que leurs aînés. Ils procèdent par saccades et par contrastes ; l’exquise confiture que les élus du palais Mazarin s’ingéniaient à confectionner, du temps de Jules Simon et de Pailleron, ne se fabrique plus ; la recette en est perdue.

Et il semble que l’éloquence politique change de forme, elle aussi ; la parole de M. Waldeck-Rousseau si claire, si nette, si précise, mais d’où s’est envolée toute chaleur, rallie maintenant tous les suffrages. Si l’on en excepte certains passages d’un discours prononcé cet hiver par M. Jaurès, la Chambre n’a plus entendu, depuis que M. de Mun s’est tu, de véritable manifestation oratoire du genre de celles dont la tribune Française, de Mirabeau à Gambetta en passant par Montalembert. Lamartine et Berryer, avait si souvent retenti. Nous croyons qu’il faut en rendre responsable la manière dont les Lettres sont désormais cultivées chez nous ; culture moderne, à la vapeur, avec emmagasinage hâtif et souci de production rapide et copieuse.

Divers monuments ont été élevés qui ne font guère honneur, d’autre part, à nos conceptions artistiques ; pour n’en citer qu’un, le buste en chocolat à l’eau dressé sur un socle en chocolat au lait qui déshonore l’opéra de Paris serait capable de faire sortir de sa tombe Charles Garnier. Toute l’économie architecturale de cette façade déjà mutilée par la disparition des aigles de bronze qui avaient le tort impardonnable de rappeler l’empire, se ressent de l’affront qu’on lui a fait. Et c’est vraiment une pitoyable façon