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REVUE DU PAYS DE CAUX

En Extrême-Orient.

En perdant Liou-Koun-Yi, vice-roi du Nankin, la Chine a fait une perte plus grande que celle, pourtant si sensible, de Li-Hung-Chang. Ce dernier était un vieillard : on pouvait en escompter encore quelques années de bons conseils — et certes c’est quelque chose ; — mais il avait passé l’âge des actes décisifs. Le vice-roi du Nankin, au contraire, était en possession de ses pleines facultés et on pensait généralement qu’il serait appelé à en faire bientôt usage. Soldat de valeur, il s’était révélé un homme d’État énergique et perspicace en refusant d’obéir aux injonctions xénophobes de la vieille impératrice ; il avait contribué, plus que tout autre, à sauver les établissements européens de la vallée du Yang-Tsé pendant les troubles d’il y a deux ans, et dernièrement il s’était déclaré en faveur de la suppression du likin, ces douanes intérieures qui entravent en Chine tout développement économique et forment un obstacle infranchissable à l’amélioration des échanges commerciaux. Tant d’actes de sagesse semblaient désigner Liou-Koun-Yi pour présider à l’évolution qui, en ouvrant largement la Chine aux influences occidentales, lui procurera — s’il en est temps encore — le seul moyen de se relever partiellement. On n’aperçoit dans les rangs du haut mandarinat aucune personnalité susceptible de remplir un pareil rôle.

Au Japon, il n’est bruit que d’un nouveau projet d’accroissement de la flotte et comme les Japonais n’ont point de journaliste à qui confier les destinées de leur marine, il est probable que, quelque jour, le projet deviendra loi. On ferait un emprunt qui procurerait les moyens de mettre sur chantier quatre cuirassés, six croiseurs de première classe et plusieurs autres navires ; l’augmentation totale serait de 120.000 tonnes et la dépense de vingt millions de yens. La plupart des nouveaux bâtiments seraient construits en Angleterre, ce qui n’a rien d’étonnant ; mais le fait qu’à cette occasion la légation Japonaise à Londres serait élevée au rang d’ambassade, indique que les armements du Mikado sont concertés entre son gouvernement et celui d’Édouard vii. Il fallait s’y attendre et bien naïfs sont ceux qui ont vu, d’un œil calme, se conclure une alliance si grosse de périls pour le Tonkin, l’Indo-Chine et la France.