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dont elle soutenait les plus raisonnables parmi les revendications ouvrières. Poussée à la lutte un peu malgré elle et très surprise d’une hostilité dont elle s’était depuis longtemps déshabituée, elle a néanmoins affirmé, dans un récent congrès, ses résolutions belliqueuses ; elle a refusé d’appuyer un projet visant la constitution de cours d’arbitrage obligatoire composées en nombre égal d’ouvriers et de patrons ; naguère, ce même projet eût certainement obtenu ses faveurs.

La corruption victorieuse.

Les élections municipales récentes ont replacé New-York — devenue, par sa réunion avec Brooklyn, la plus populeuse cité du monde — sous le joug infernal de Tammany Hall. Ce nom désigne l’association à moitié anonyme et à moitié criminelle qui, depuis des années, s’était emparée de l’administration de la ville et dont l’habile tactique consistait à s’appuyer parfois sur des gens d’une honnêteté patentée pour distribuer plus efficacement des places à ses créatures. Comment, direz-vous, d’honnêtes gens acceptent-ils le patronage d’une pareille association ? Comment, cette fois-ci, notamment, M. Mac Clellan, fils de l’illustre général de la guerre de sécession, est-il devenu le candidat d’une bande de filous ? Mystères de la conscience américaine. Certes, les Américains reconnaissent que Tammany Hall est fondée sur un principe malhonnête et que le déshonneur y coule à flots ; mais ils ont pour cette gigantesque entreprise de corruption, l’admiration que leur inspire toute œuvre de dimensions inusitées et de fortune heureuse. De plus, un autre sentiment se superpose à celui-là ; toujours appréciateurs de ce qui est pratique, ils estiment que Tammany Hall représente pour le citoyen une économie probable d’argent — en tous cas, de temps, — et le temps, c’est de l’argent. Le tribut qu’elle prélève a beau être énorme, l’immoralité la plus flagrante a beau régner dans ses conseils, elle n’en accélère pas moins la marche des choses et n’en assure pas moins le fonctionnement des rouages publics mieux que ne saurait le faire l’initiative individuelle, occupée ailleurs. New-York n’est-il pas rempli de fils téléphoniques, télégraphiques, conducteurs de force et de lumière qui appartiennent à des particuliers et ont été posés sans autorisation ? Chaque année, presque à date fixe, la police en revise le nombre et, sans pitié, les coupe ; le lendemain, les intéressés les