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LA FRANCE ET L’ITALIE

mais créé un mouvement d’unification qui n’était pas dans la force des choses, comme ayant lancé la péninsule dans une voie où son destin ne l’appelait pas et au terme de laquelle, sans notre aide, elle n’aurait pu parvenir. Nous estimions, en un mot, que l’Italie moderne était née d’un caprice de Napoléon ier, réalisé par son neveu, et que de plus, cette réalisation avait coûté à la France du sang, de la richesse et l’abandon de la politique traditionnelle qui constituait partie de sa force et de sa sécurité. Si tout cela est exact, quelle reconnaissance ne nous doivent pas ces princes de la maison de Savoie qui régnaient sur une île peu fertile, la Sardaigne, et sur une petite principauté sans rivages, le Piémont — et dont nous avons fait de puissants souverains capables de traiter en égaux avec l’empire germanique.

Si, au contraire, le sentiment de l’unité italienne a des origines profondes et anciennes, s’il a été sans cesse se renforçant et s’exaltant, si l’habileté politique de Victor-Emmanuel ii et le génie sans pareil du comte de Cavour, si les fautes des Bourbons de Naples et les audacieuses initiatives de Garibaldi n’ont fait que provoquer une révolution suggérée par l’histoire, approuvée par la géographie et désirée par les peuples, alors l’Italie est libre de partager sa reconnaissance entre les deux puissances qui ont simplement rendu sa délivrance plus prochaine ; la France qui, en 1859, lui procura la Lombardie et la Prusse qui, en 1866, lui valut la Venetie ; encore pouvait-on se dire, au-delà des Alpes, que la Prusse n’avait rien obtenu en retour de ses services tandis qu’il avait fallu céder à la France la Savoie et le comté de Nice.

Tel était le point de vue français ; tel, le point de vue italien : inconciliables et en grande partie erronés l’un et l’autre.

Ce ne sont pas les souvenirs de l’empire romain qui se trouvent à la base de l’unité italienne, ce sont les influences de la Renaissance. Certes l’ombre portée de la Rome antique a profondément agi sur l’âme italienne ; ce passé prestigieux, le souvenir d’une si fabuleuse grandeur et d’une domination quasi universelle ont constitué l’espèce de ferment d’orgueil qui n’a cessé d’entretenir au fond des cœurs l’espoir d’un avenir adéquat ; et la misère présente, par la honte qu’elle semblait comporter en comparaison