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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

qu’on ne lâcherait point la Mandchourie. Cette province, en effet, se trouve enclavée entre les deux morceaux de la nouvelle vice-royauté dont la configuration géographique est, certes, des plus étranges. Elle comprend, d’une part, les immenses territoires de l’Amour et, de l’autre, l’espèce de presqu’île qui sépare le golfe du Petchili de la mer Jaune et au bout de laquelle s’allongent les canons russes de Port-Arthur. Territoires et presqu’île ont entre eux le tampon Mandchourien : les réunir sous l’autorité de l’amiral Alexeief revient à prendre possession définitive du tampon. Voilà qui est fait.

On dit que ce choix, pourtant très justifié, de l’amiral Alexeief acheva la disgrâce de M. de Witte qui n’en voulait point. On dit bien des choses qui ne sont qu’à moitié vraies ; et d’abord M. de Witte est-il tombé en disgrâce ? Les mœurs russes n’ont point de ces aspects tranchés auxquels nous accoutument l’esprit et les procédés occidentaux. Un homme est disgracié sans l’être… tout en l’étant. M. de Witte, nommé président du « comité des ministres » a avancé parce qu’il a monté en grade et reculé parce qu’il a échangé un poste actif contre une demi-sinécure. Maintenant quel est le poste qui, entre les mains de M. de Witte, pourra demeurer une sinécure ? On le nommerait gardien des mausolées impériaux qu’il trouverait encore moyen d’exercer de l’action sur la politique générale et de faire entendre de suggestifs conseils aux puissants du jour. Non vraiment, M. de Witte n’est pas en défaveur. Quand on rive la chaîne du forçat aux flancs d’un condamné politique, à peine peut-on dire là-bas que son sort est fixé car, même alors, l’espoir reste d’un retour possible. Mais quand on se borne à le nommer président du comité des ministres, de ministre des Finances qu’il était, c’est tout simplement une menotte de paille qu’on lui passe aux poignets en même temps qu’on écarte de quelques pas le tabouret qui lui servira à devenir chancelier de l’empire. M. de Witte le deviendra, soyez-en sûrs.

Les voyages du Tsar.

Il y en a qui se font et d’autres qui ne se font pas. Nicolas ii a visité l’empereur d’Autriche à Vienne et dans l’intervalle des pâtés de foies gras et des coupes de champagne, les deux potentats ont causé en regardant vers l’Orient. Ils ne se sont rien dit de ce